Retour de flammes en matière
de droits d'auteur |
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Auteur: Bryan Pfaffenberger bp@virginia.edu
Avance rapide sur quelques décennies: les médias papier ont finalement mordu la poussière, et nous voici attablés devant le dernier Goncourt sur livre électronique Linux portable à écran 3D. Les gars se promènent dans des véhicules non polluants entraînés par des moteurs hyper efficaces. Il n'y a qu'un problème: certains moteurs explosent et quelques dizaines de gens ont trouvé la mort. Un activiste se débrouille pour mettre la main sur les documents internes du fabricant. C'est le canon qui fume encore. Le document révèle que le fabricant a écorné quelque peu les dessins des réservoirs, sachant bien qu'il risquait d'augmenter les risques. L'activiste publie les documents sur son site web. Il n'y a pas d'autres solutions: les médias ne fonctionnent plus. Dans l'heure qui suit, le document a disparu du site! Evidemment, le
fabricant l'a trouvé, a notifié au fournisseur d'accès
qu'un de ses clients avait un document violant peut-être les droits
d'auteur de la société. En raison de l'acte sur les copyright
du millénaire digital (DMCA), le fournisseur se trouve quasi
forcé de faire sauter le matériau qui serait illégal,
bien qu'aucun tribunal n'ait déterminé quoi que ce soit
à cette étape. Selon les termes du Digital Millenium
Copyright ACT - le "DMCA" (littérallement :
loi sur les droits d'auteurs du millénaire digital), le FAI
(fournisseur d'accès Internet) est dans l'obligation d'ôter
immédiatement tout matériau contrevenant, bien qu'aucun
tribunal n'ait à cette étape pu déterminer si les
droits du plaignant ont été violés. Pour les droits
d'auteur, le DMCA fait directement porter la charge de preuve sur celui
qui est censé avoir enfreint la règle, et dans la plupart
des cas, la seule accusation suffit à faire effacer le fichier
indésirable. En bref, nous voilà de retour aux lois médiévales:
on est coupable tant qu'on n'a pas prouvé son innocence. Mais
ça convient bien à quelques-uns. Si vous n'aimez pas ce
que dit quelqu'un, le DMCA vous donne de puissants nouveaux outils pour
le faire taire. Ainsi considéré, le mouvement porte une responsabilité qui dépasse la possibilité de copie des logiciels. Nous devons aller vers un meilleur équilibre entre les intérêts financiers des détenteurs de droits d'auteur et le droit du public à être tenus au courant. Si nous perdons la bataille à venir, les succès du mouvement ne signifieront pas grand chose. Mieux vaut dès à présent imaginer les issues. Dans ce qui suit, j'énonce les faits et vous laisse décider, mais je parierais que vous n'utiliserez plus le terme "propriété intellectuelle"...
Retirer la prise
L'acte envisage un avenir au sein duquel les oeuvres digitales sont distribuées avec une protection des droits et des marques, et impose d'incroyables pénalités à quiconque tenterait de circonvenir ces protections. En plus des dommages statutaires établis pour violation des droits d'auteur, le DMCA établit des sanctions criminelles pouvant aller jusqu'à cinq ans de prison ferme (le double en cas de récidive) et des amendes allant jusqu'à 500000 dollars. Rendez-vous compte! Mais ça ne suffit pas encore, aussi l'acte établit-il aussi des provisions draconiennes en cas de vol de documents électroniques non protégés. Sous les provisions de la section "Notice et Take-Down"(information et effacement), les fournisseurs internet doivent, à réception de plainte d'un détenteur de droits - ôter le document enfreignant la règle. S'il refuse, le FAI perd son immunité et devient en fait co-défenseur du contrevenant. Les apologistes du DMCA seront prompts à démontrer que l'acte contient un remède pour les gens injustement accusés de violations des droits. Selon les provisions de la section "information et remise en ligne", le contrevenant allégué peut déposer une "contre-notice" attestant de l'usage légal du matériau, et l'ISP doit alors le remettre en place sur Internet dans les 14 jours, à moins que l'affaire n'ait été portée en justice. En dépit de cette possibilité de recours du DMCA, les
provisions de l'acte contreviennent à l'exercice de la liberté
d'expression. Les auteurs doivent longuement réfléchir
à ce que des détenteurs de copyrights considéreraient
comme une violation. Si l'on vous notifie un effacement, vous n'avez
pas été poursuivi. En tout cas, pas pour l'instant. A
moins d'être très déterminé, vous aurez fortement
tendance à ne pas déposer de contre-notice. Ce
n'est en l'espèce rien moins qu'une invite à un procès
coûteux et prolongé; cela dit en fait:"Attaquez-moi
en justice". la plupart des gens n'en ont pas les moyens, et c'est
vrai même s'ils gagnent en fin de compte. Les avoats en tirent
les bénéfices. Que ferez-vous? Abandonner, et c'est ce
qui se passe en réalité. La propriété intellectuelle considérée nuisible
Voyons le début du 20e siècle, lorsque le Juge Brandeis
pouvait encore écrire la "conception prévalente"
de la loi sur les droits d'auteur, qui pourrait vraiment vous surprendre.
Dans ce concept, Brandeis ecrivit "les conquètes,
les plus nobles des productions humaines, vérités affirmées,
conceptions et idées, devienent, après communication à
d'autres, libres comme l'air et servent à chacun".
(International News Service vs. Associated Press, 1918). Toute déviation
de cette conception commune devrait être spécifiée
en termes précisément limités au cadre étudié.
On en trouve précisément une justification dans la Constitution
US, qui fournit à l'auteur des droits exclusifs durant un temps
limité, afin de promouvoir les progrès scientifiques et
artistiques utiles. (Article 1 section 8). Une fois ces droits expirés,
l'expression du droit d'auteur devient publique. En somme, la Constitution
maintient que l'oeuvre intellectuelle fait en principe partie du domaine
public, et que tout usage qui en est fait est autorisé, ceci
étant limité aux seules nécessités de maintenir
un encouragement aux auteurs et créateurs pour qu'ils continuent
à partager leur travail. Ces changements graduels ont fini par faire une révolution. L'extension la plus récente des droits d'auteur provient de l'acte d'extension exigé par le "Sonny Bono Copyright Term Extension Act" [nota: Sonny Bono était un député scientologue, ndt] en 1998, qui étend le copyright à 70 ans au delà de la vie du créateur, pour toute oeuvre d'après 1928, plus encore 25 ans, ce qui équivaut à assurer une protection de 95 ans au-delà de la mort de l'auteur. Les lobbystes ayant poussé cette adoption viennent de Disney, et devinez pourquoi: les droits d'auteur de Mickey Mouse, Goofy et Winnie the Pooh n'étaient pas loin d'expirer. L'acte Sonny Bono les remet en vigueur rétroactivement, si bien que le reste du gang Pluto et Winnie peut être tranquille. Comme le démontrent clairement les circonstances entourant cette législation, les extensions sont justifiées exclusivement en fonction des intérêts économiques du détenteur des droits, qui ont, ou qui n'ont pas grand-chose à voir avec la création de l'oeuvre. Le droit d'auteur est devenu une denrée marchandable, qui, comme un bien immobilier, peut se transmettre à perpétuité et être transmis aux héritiers et autres bénéficiaires.
L'argument "défenseur" de ces changements radicaux serait d'ajouter à la motivation des auteurs, et donc, d'augmenter la richesse et la diversité de l'information disponible. Mais ce n'est pas nécessairement vrai; il est tout aussi vraisemblable de penser qu'on aboutit ainsi à former des monopoles de media colossaux, qui useront de leur distribution pour étrangler et imposer des concessions aux auteurs, par exemple en les contraignant à travailler selon des contrats "travail à la tâche" les privant de tout droit à leurs travaux. Et c'est précisément ce qui se passe: la plupart des auteurs de best-sellers informatiques sont ainsi employés sous contrat à la tâche: ils obtiennent une pauvrissime allocation d'environ 8000 dollars pour un ouvrage de 1200 pages et ne reçoivent aucun droit d'auteur ensuite.
La transformation radicale des conceptions constitutionnelles portant sur le droit d'auteur se résume habilement en l'expression à la mode de "propriété intellectuelle". Dans le langage constitutionnel, ce terme est un oxymoron, au point que j'en suis venu à le haïr. C'est une expression cauchemardesque Orwellienne, un avertissement subliminal, une arme dérobée de la guerre contre les principes fondamentaux d'un échange intellectuel au sein d'une société démocratique: ne vous en servez pas!
Le droit à la copie, c'est le droit d'auteur
Que faut-il faire? Surveillez Washington, évidemment; mais on
ne peut pas y faire grand-chose, à moins évidemment d'avoir
des tonnes d'argent. Au court terme, il faut aider ceux qui oeuvrent
à supporter et étendre des concepts comme le GPL à
d'autres média, par exemple les oeuvres musicales et les écrits.
Hors des USA, il faudra bosser dur pour résister à la
pression US qui voudrait étendre sa vision des lois sur les copyrights.
A long terme, la futur de la démocratie peut dépendre
de ceux qui - comme les auteurs de GNU-LINUX- comprennent qu'une société
démocratique exige un domaine public gratuit en expansion et
un savoir publiquement accessible. |
7.En
bref I 1.Généralités I 2.Horreurs
et crimes I 3.Critiques
techniques I 4.Liens
externes I 5.Rions I 6.Témoignages |