La guerre de la scientologie contre les juges

 


 

(The American Lawyer, Décembre 1980)
James B. Stewart, Jr.


La 5 décembre 1980, alors que le Juge Charles Richey se remettait de deux embolies pulmonaires et d'épuisement, les avocats de l'église de scientologie et le Ministère de la Justice se réunirent devant le Juge Aubrey Robinson, successeur de Richey dans le procès pour conspiration datant de deux ans intenté à l'encontre de 11 membres de l'église de scientologie. Le Juge Charles Richey avait également jugé et condamné neuf de onze co-accusés originels, tandis que les deux qui restaient, après extradition d'Angleterre, allaient passer en jugement. John Shorter Jr, avocat d'un des intimés, commença ainsi: "Spécialement en ce qui concerne les sentiments de votre Honneur au sujet des ces intimés qui sont membres de l'église de scientologie..." Le Juge Robinson l'interrompit: "Essayez-vous de déposer une motion pour me récuser?", demanda-t'il. Il savait ce qu'annonçait la remarque de Shorter, ayant assisté à la campagne des scientologues pour se débarrasser du juge Richey sur ce procès. "Est-ce qu'on est déjà en campagne de pèche?"


Robinson est le quatrième juge de district à présider le procès scientologue, et la dernière cible de la stratégie procédurière "d'attaques auto-proclamées" de la scientologie. Quelle stratégie? Cela se résume à une guerre à outrance contre les juges des tribunaux de District américains, guerre mieux financée et plus réussie que les tactiques bizarres utilisées par certains groupes contre leurs adversaires devant les Cours, par exemple la tentative d'assassinat de Synanon pour supprimer un avocat de la partie adverse en posant un serpent à sonnettes dans sa boite aux lettres.

A la différence de Synanon, l'église de scientologie essaie depuis longtemps de se faire passer pour une religion légitime. Fondée en 1954 par l'écrivain de science-fiction L. Ron Hubbard, philosophe et auteur du best-seller "Dianétique, Science Moderne de la Santé mentale" [retitré en France vers 83 "Dianétique, Puissance de l'Esprit sur le Corps, ndt] l'église prétend avoir 5 millions d'adeptes pour sa philosophie "self-help". L'église de scientologie s'est dite héritière spirituelle du Bouddhisme en Occident, et se focalise sur ce qu'elle dénomme "Conseil Pastoral" - destiné à améliorer les aptitudes et la conscience de ses membres. Mais au cours des quelques dernières années, l'église a été accusée de laver le cerveau et de harceler ses membres; elle est impliquée dans des douzaines de procès (voir page 32, colonne séparée), dont les inculpations de 1978 pour conspiration criminelle à l'encontre de onze de ses membres. Ces revers ont appelé des réactions militantes de plus en plus nombreuses, focalisées, dans le procès pour conspiration, contre le système judiciaire fédéral. La stratégie légale des scientologues consistant à forcer les juges à se récuser est à la base même des charges criminelles pesant sur eux. En 1976, le Juge de district George Hart Jr proposa de demander une déposition à Hubbard lors d'un des nombreux procès déposés par l'église au sujet de l'acte FOIA [Freedom of Information Act, ndt]. La remarque de Hart (car la déposition d'Hubbard ne s'avéra pas nécessaire) fit croire aux officiels de l'église de scientologie que le gouvernement avait connaissance de faits l'incriminant. L'église intensifia alors ses efforts pour apprendre ce que le gouvernement aurait pu savoir à son sujet.

Au même moment, l'église publiait un "Programme d'Ordres du Gardien" [Guardian Office: devenus OSA depuis, les services secrets de l'église, ndt] ; ce programme demandait aux membres de l'église de se servir des "sources ouvertes standard" et de "tout entretien qui convienne" pour surveiller les activités de tous les juges de district présidant des procès FOIA. Cette directive fut étendue en 1977 aux 15 juges du tribunal fédéral de district de [Washington] D.C.

Se faisant parfois passer pour des étudiants ou des journalistes, les scientologues interviewèrent les juges, retraçant leurs carrières, les suivant et préparant leurs dossiers. Selon les documents scientologiques, le but était de déterminer "le niveau de ton" ["ton émotionnel" au sens scientologue, ndt] et les "boutons" -- des indices de vulnérabilité personnelle, dans leur langage. Mais les opérations de l'église allèrent bien au delà de la surveillance légale. Certains furent pris la main dans le sac à cambrioler les bureaux de l'IRS et du ministère de la Justice, volant et copiant des documents, et installant des écoutes illégales. Le 15 août 1978, onze d'entre eux étaient inculpés pour avoir intercepté électroniqument des communications orales de l'IRS, avoir fabriqué des faux passes gouvernementaux, avoir recruté des scientologues pour infiltrer le gouvernement, avoir volé des dossiers appartenant à l'IRS, au ministère de la justice, à l'avocat général US, et pour avoir illégallement conspiré en vue d'obtenir des documents en possession des Etats-Unis, et d'obstruction à la justice.

Les inculpés scientologues louèrent les soins de quelques ténors du barreau. Mary Sue Hubbard, épouse du chef de l'église L. Ron Hubbard, la plus haut gradée inculpée, retint les oeuvres de Leonard Boudin, de chez Rabinowitz, Boudin & Standard et de Michael Hertzberg, avocat en solo, tous deux activistes travaillant à New-York. Deux autres inculpés, Henning Heldt et Duke Snyder, retinrent l'avocat Philip Hirschkop d'Alexandria (Virgine), qui avait été l'avocat des "D.C Nine", protestataires anti-guerre arrètés en 1970. En tout, douze avocats furent choisis pour aider les neuf prévenus (deux autres ayant fui en Angleterre où ils subirent ensuite l'extradition). Boudin et Hirkshop assumèrent bientôt les rôles clé de la défense.

Boudin et Hirschkop ne disent pas pourquoi on les a choisis, mais leur image de défenseurs de causes impopulaires attira certainement les membres de l'église. C'était la première fois que Boudin était associé à l'église, alors que Hirschkop s'était occuppé d'une affaire de saisie de la scientologie en 1977.

Un avocat représentant les scientologues et ayant travaillé avec eux offre une explication idéologique à leur acceptation de ce cas: "C'est une simple affaire d'abus du gouvernement", dit-il; "le gouvernement ne tolère pas les organisations aux croyances non-conformes." Les scientologues défendent leurs droits - agressivement. Un autre ajoute un motif financier: "Ces gens paient leurs factures, de grosses sommes payées à temps - c'est plus que je n'en peux dire de la plupart de mes clients impopulaires. Ce procès financera pas mal de cas bénévoles". Hirschkop ne dit pas combien il a reçu d'honoraires de la scientologie, mais l'église est un client prospère. Un exemple: un des clients a payé 30000 dollars pour les "séances de conseil" vendues.

Mais quels que soient les motifs pour prendre ce type de défense, ce ne sont pas les grands principes qui ont caractérisé la campagne des avocats scientologues contre les juges du District de Columbia. En août 1978, les procès furent assignés au Juge Hart, celui dont le commentaire intensifia en premier lieu l'opération des Services d'Intelligence et qui, comme tous ses collègues du tribunal de district, avait subi les enquètes des scientologues. Il fut la première victime de leur stratégie de récusation.

Boudin déposa sa première motion en récusation en janvier 1979. Sa théorie était nouvelle: en disant au Juge Hart qu'il était la cible d'activités illégales possibles de la part de l'église, il causerait la partialité du juge, ou le ferait paraître partial à leur encontre. Dans sa motion, Boudin citait un document officiel de la scientologie ordonnant une opération "visible ou cachée" de collecte de données contre le juge Hart, laquelle opération, selon les termes employés, "pouvait comprendre l'usage de méthodes violant la vie privée du juge et d'autres droits, et violant peut-être des lois criminelles." Boudin concluait que le Juge siégeant était désigné au jury et au public comme une cible d'actions peut-être illégales", et que le "juge avait un intérêt évident pouvant être affecté par l'issue du cas". En dépit des documents auxquels le gouvernement et l'avocat de la défense avaient accès, qui ordonnaient des opérations similaires sur tous les juges de district de Columbia, Boudin déclarait ne rien savoir d'autres campagnes similaires.

Bien que les avocats du gouvernement, entraînés par le chef procureur Me Raymond Banoun, aient vigoureusement protesté, arguant du fait que les scientologues utilisaient leurs propres possibilités d'activité criminelle pour pouvoir disqualifier le juge, Hart accorda la motion et se retira. Hart nia être partial, mais admit que l'apparence d'impartialité avait été entamée par la surveillance des scientologues à son encontre. "Je craignais qu'un jury ait des préjugés contre les inculpés en raison de leurs menaces supposées à mon encontre," avoua-t'il récemment. Le cas fut alors assigné au juge Louis Oberdorfer, qui, au vu de ce qu'avait subi peu avant le Juge Hart, demanda dès le début aux deux parties les momoranda et arguments visant une possible récusation. Les avocats du gouvernement insistèrent dans leur mémo sur le fait qu'Oberdorfer était un ancien avocat général assistant chargé de la division fiscale du ministère de la justice, ayant eu à prendre la décision mettant fin à l'exemption de taxes de l'église de scientologie à Los Angeles en 1969. Oberdorfer conclut donc qu'il avait "connaissance personnelle de faits probants contestés", et, le 5 février 1979, il se retira aussi. Le cas echut ensuite à Richey, 57 ans, nommé par Nixon, dont le passé libéral - surtout en matière de défense des droits des accusés - avait surpris des critiques. Au début, son assignation plut aux défenseurs de la scientologie. Dans un pamphlet intitulé "Le procès des Neuf Scientologues", oeuvre des scientologues, le juge Richey est décrit comme "ayant le visage très paternel... bien que souffrant d'une malformation congénitale de la hanche, on ne la remarque pas plus qu'on ne remarque sa petite taille. Ses lunettes, qui reflétent les lumières du tribunal, ajoutent à l'image de cet homme sympatique et de grande intelligence." Et lorsque Richey demanda d'entrée si une motion de récusation était envisagée, Boudin et Hirschkop se dirent satisfaits de sa nomination. Cette attitude se transforma bien vite en une campagne de harcèlement aussi bien en Cour qu'au dehors.

Durant l'été 1979, il y eut des auditions pendant trois semaines à Los Angeles, au cours desquelles Richey organisa le témoignage sur la motion déposée par les scientologues afin de supprimer les preuves émanant de la saisie effectuée par le FBI lors des raids de 1977 aux quartiers généraux de l'église. Les milliers de docments saisis lors de ces raids constituaient le coeur des preuves à l'encontre des conspirateurs supposés. Les auditions avaient été déplacées à Los Angeles pour arranger des témoins scientologues.

Avant son départ pour Los Angeles, Richey reçut plusieurs menaces de mort. Le juge ne dit jamais que ces menaces venaient des scientologues et a dit qu'ils n'étaient pas liés au procès, mais il partit en Californie escorté par deux Marshalls fédéraux et des mesures de sécurité sophistiquées furent mises en place en Cour fédérale, sise en bas de la ville.

Durant les auditions, les avocats de la défense interrompirent sans cesse les déroulements par des objections, des motions et des commentaires audibles, comprenant des insultes au juge. Par exemple, Hirschkop et d'autres conseillers ordonnèrent régulièrement et bruyamment à d'autres co-avocats de placer des décisions adverses en preuve d'une "sale erreur" mythique. A plusieurs reprises, Hirschkop accusa Richey de mentir. Par instants, Richey quittait la présidence et sortait plutôt que d'accuser la défense d'outrage à la Cour. Une seule fois, lors d'une des dernières auditions, le juge sembla perdre son calme; s'adressant à Hirschkop, il lui annonça "Je tiens à vous dire ici et maintenant que je suis mécontent, car je n'ai rien fait de blessant envers vous ou vos clients. Et les Minutes sont replètes d'insultes et de toute sorte de choses alors que je ne vous ai rien fait et que je n'ai pas l'intention de rien vous faire." Le procureur Banoun a dit que Richey était trop accomodant. "Il n'aurait jamais dû tolérer ce comportement", a-t'il dit.

Hirschkop prétendit que c'est lui qu'on insultait "Richey montrait du dédain envers moi", dit Hirschkop, rémémorant la fois où - prétend-il, Richey avait tenté de le forcer à manger des frites au tribunal. (Banoun dit de son côté que le Juge avait simplement offert à tous les avocats quelques frites qu'il n'avait pas finies). "Hirschkop: "Je dis que Banoun est un menteur... et le juge m'a tancé. Mais Banoun pouvait m'insulter en toute impunité". Banoun nie. Hirschkop concède qu'il s'est fréquemment "échauffé" lors de ses échanges avec le Juge Richey, mais "qu'il ne l'a jamais vraiment insulté ".

En septembre 1979, après les auditions de Los Angeles, le Juge Richey repoussa la motion des scientologues destinée à supprimer les preuves saisies par le FBI. Les défenseurs passèrent virtuellement à une stipulation des faits, qui revenait à admettre les charges principales à leur encontre, et demandèrent le procès devant jury. En échange, le gouvernement accepta de" laisser tomber 23 des 24 inculpations criminelles.

Le Juge Richey avertit explicitement les scientologues que la stipulation résulterait vraisemblablement en leur inculpation: il effectua ses propres recherches de preuves, qu'il qualifia de "preuves de culpabilité submergeante", et inculpa les neuf le 26 octobre.

Le 6 décembre, soit deux jours avant le rendu du jugement, une motion en récusation était déposée contre le juge Richey.

Dans leur motion en récusation, Boudin et Hirschkop prirent à nouveau la position extraordinaire suivante: leurs tactiques au tribunal et leurs menaces démontraient que Richey avait un préjugé contre les scientologues. Par exemple, sans dire pour autant que les menaces de mort étaient leur oeuvre, Hirschkop annonça "qu'en fonction de l'information et de ce qu'on croyait, la sécurité à Los Angeles était liée à l'appréhension du tribunal vis-à-vis des défendants dans ce procès de leur église", ajoutant "qu'il était impossible d'imaginer une source de préjugés plus forte - ou plus clairement 'extra-judiciaire' - que la crainte de perdre sa vie ou son bien-être."

Quels qu'en soient les fondements, la motion en récusation était au moins viciée par rapport à deux aspects techniques. Le statut de récusation exige une motion "opportune" supportée par un affidavit signé de l'une des "parties". La motion était déposée quatre mois après les évènements dont elle faisait état, et près de 120 motions de la défense avaient été résolues contre les scientologues -- et elle était supportée par l'affidavit de Hirschkop, qui n'était pas l'un des intimés. ("J'aurais dû la déposer plus tôt", concède Hirschkop. Richey avait manifestement des préjugés dès le départ.") En réponse à la motion, le Juge Richey défendit son point de vue quant aux précautions sécuritaires, faisant observer que "le Tribunal peut accepter des précautions raisonnables sans risquer de teinter le procès de préjugés". Il repoussa la motion le jour même et condamna alors les neuf défendants à des peines de prison comprises entre six mois et quatre ou cinq ans. Huit d'entre eux présentèrent un chèque de 10000 dollars le jour même, et tous les neuf sont désormais libres sous caution en attendant l'appel.

Le refus de leur première motion en récusation et les peines prononcées, que les scientologues estimèrent indubitablement sévères, les conduisirent à redoubler d'efforts pour se débarrasser de Richey. Six mois après, l'avocat de la défense était à nouveau prèt pour une motion en récusation, plus gènante et menaçante pour Richey que la première. Les bases en avaient été jetées un an auparavant, peu après les auditions de Los Angeles.

Cet été-là, le rapporteur officiel en Cour du Juge Richey, Thomas Dourian, qui l'avait accompagné à Los Angeles, fut abordé par Hirschkop peu après leur retour sur Washington. Lors d'un affidavit sous serment déposé en réaction à la seconde motion en récusation, Dourian disait qu'Hirschkop tenait à savoir si les précautions de sécurité de Los Angeles résultaient de sa crainte des scientologues. Dans l'affidavit, Dourian niait qu'il ait peur, mais confirmait qu'avant de quitter Washington, le juge, sa femme et ses enfants avaient reçu deux menaces de mort.

Peu après cette rencontre, en décembre 1979, un avocat scientologue engageait Richard Bast, détective privé ayant travaillé pour lui quelques années auparavant, afin d'enquèter sur les précautions de sécurité du juge Richey. Honoraires de Bast: 321000 dollars, plus les frais. L'une des premières étapes qu'il entreprit consista à infiltrer le cercle proche de Richey au tribunal. Au printemps 1980, peu après la sentence contre les scientologues, Fred Cain, employé de Bast, policier en retraite, approcha James Perry, l'un des deux marshalls ayant accompagné Richey à Los Angeles. Il lui expliqua qu'il avait été engagé par un industriel européen dont la fille s'était suicidée en raison, disait-il, de son implication en scientologie, et qu'il fallait qu'il cherche des informations pouvant faire du tort à l'église. Selon Bast, Perry dit à Cain qu'il voulait écrire un livre sur le procès de la scientologie, et Bast lui offrit 2000 dollars d'avance. BAST dit que Perry a pris l'argent et qu'ils se sont mis d'accord pour travailler ensemble.


Au matin du 23 mai, Perry et Cain rencontrèrent Dorian, le rapporteur de la Cour, à son domicile de Washington. Selon l'affidavit de Dourian, Cain se présenta comme enquèteur de International Investigations, Inc, agence de détectives de Bast, et lui conta la même histoire d'industriel européen.

Dourian dit dans son affidavit qu'il a pensé que l'histoire était peu probable, qu'il la soupçonnait venir des scientologues, et qu'il était curieux sur ce que faisaient Perry et Cain. D'après l'affidavit, Dourian rencontra trois fois Cain, qui le questionna à chaque fois sur le Juge Richey. Lors d'une rencontre à domicile du 31 mai, Dourian dit s'être rendu compte que la conversation était enregistrée. Cain avait beaucoup bu, dit Dourian, et c'est ainsi que le rapporteur du tribunal put s'emparer de trois cassettes dans les poches de Cain. Leur dernière rencontre eut lieu le 19 juin, quand ils rencontrèrent Bast et allèrent dîner au Pizza Hut. On questionna à nouveau Dourian sur Richey, la conversation étant enregistrée.

Les enregistrements de Dourian et les déclarations d'Hirschkop - recueillis par Bast - formaient la base de la motion de récusation suivante contre Richey. La motion, qui contenait une bonne part de la motion précédente repoussée par Richey, fut déposée le 20 juin 1980, alors que les procédures commençaient contre les deux intimés récemment extradés de Grande-Bretagne. Pour certains des avocats de la scientologie, la stratégie de récusation était allée trop loin. Il y avait semble-t'il une opposition au sein des rangs sur ces motions et la façon dont elles avaient été préparées. L'un des avocats, Michael Nussbaum, représentant deux des intimés, ne signa pas les papiers et se retira de la défense.

L'affidavit supportant la motion fut déposé par Morris Budlong, l'un des intimés extradés, après avoir écouté les diverses bandes enregistrées et discuté avec Hirschkop. Parmi les remarques contenant des "préjugés" que Budlong attribua au Juge Richey, on lit: que les menaces de mort contre Richey émanaient des scientologues; que Jim Jones [le gourou de Guyana, 930 morts par "suicide", ndt] et les scientologues "étaient tout pareils"; que ce serait "une plume à sa coiffe d'inculper les scientologues; et que Richey avait dit à un autre juge que les scientologues répandaient des rumeurs sur son compte, faisant partie d'une "conspiration" pour le discréditer. Un note peu claire ajoutée à l'affidavit refusait de fournir des détails quant aux soi-disant rumeurs sur Richey, prétendant à "un respect de la Cour et des Institutions". Mais Hirschkop et d'autres avocats de la défense connaissaient les détails de la conspiration à laquelle Richey faisait allusion. Ils les avaient obtenus de Bast, qui disait avoir écumé la zone de Los Angeles pour obtenir des informations sur les habitudes du Juge Richey, interviewant les employés d'hotels, de restaurants, et prenant des enregistrements vidéo ou audio. La personnalité centrale de l'histoire présentée par Bast était une prostituée travaillant pour son compte au Brentwood Holiday Inn, le motel où Richey logeait durant les auditions de Los Angeles. Dans une vidéo montrée à Gary Cohn, l'un des rapporteurs d'Anderson, la prostituée racontait avec des "détails titillants", selon Cohn, une rencontre avec le juge Richey à ce motel, et les services qu'elle avait procurés. D'après Cohn, Bast montra aussi les résultats d'un test au détecteur de mensonge mené par Cain pour démontrer que la prostituée disait la vérité; et un bande enregistrée de Perry, le Marshall US, qui disait que Richey avait dit "Allons nous offrir une fille", le rapporteur de la Cour disant que "Richey racolait toujours des filles".

Cohn dit avoir d'abord été sceptique sur l'affaire parce qu'il était conscient que Bast était engagé par les scientologues. Mais il signala avoir souvent travaillé avec lui et lui faire confiance. Il explique qu'il a pensé que la prostituée pouvait être une scientologue engagée pour piéger le juge, mais qu'il est revenu sur cette opinion. Bast indique seulement que c'est "par accident" qu'il a découvert la prostituée, qu'il lui a versé 1200 dollars, qu'elle n'est pas scientologue, et qu'elle ne racole plus.

Cohn a écrit l'article, apparu ensuite sous la signature d'Anderson, article discutant de l'enquète de Bast et de l'affaire de Richey et la prostituée. Cohn ajoute "ne pas être satisfait" de la manière dont l'article fut ensuite écrit. Dans son affidavit, Dourian, rapporteur de la Cour ayant écouté les bandes prises dans la poche de Cain, nie les remarques qu'on lui attribue.

Les journaux ayant repris l'article d'Anderson ont reçu l'histoire de Richey vers le 11 juillet, une semaine avant qu'il ne soit publié. Certains ont refusé de le publier, par exemple le New York Daily News, et le Washington Post n'a accepté qu'après une longue conversation avec Cohn. Cohn indique ne jamais avoir pris contact pour que Richey lui fasse un commentaire, et bien que l'éditeur du Post, Ben Bradlee, dise qu'il est "certain d'avoir appelé Richey au sujet de l'article", on ne lut aucun commentaire de Richey dans la version du Post.

Le 16 juillet, Richey émettait son opinion. Se référant de toute évidence à l'article d'Anderson, dont Richey pouvait avoir entendu parler par les appels de reporters ou par messages au tribunal, Richey qualifia la motion de "dernière escalade contre le tribunal" et estima les bases "insuffisantes eu égard à la loi", "ne reposant que sur les oui-dires et le bavardage de concierges."

Mais, continuait le Juge, "les intimés et leurs conseils se sont enaggés dans des attaques incessantes et sans fondements envers ce tribunal. Leurs motifs sont transparents. C'est une méthode pour transformer un procès ... en procès du juge." Bien qu'il ait caractérisé ces tentatives "d'exemple classique" d'abus des possibilités de récusation, il écrivit que "le temps était venu d'aborder les procédures de ce procès en vertu de leurs mérites, toute l'attention étant dirigée vers les bases mêmes du cas." Selon ses associés, voici l'effet du procès sur Richey : il se retira dans un état d'épuisement, prèt à s'effondrer.

Le 18 juillet, l'article d'Anderson paraissait dans divers journaux du pays. Cinq jours plus tard, le Juge Richey était hospitalisé, épuisé, souffrant d'une embolie pulmonaire. Depuis, il a refusé de discuter du procès, citant la code de conduite judiciaire.

L'épreuve qu'il subit pourrait ne pas s'achever. Hirschkop pense que la campagne contre lui continuera, et prétend que l'affaire de la prostituée n'est que "la partie émergée de l'iceberg". Bien qu'il refuse de donner des détails, il dit que si nécessaire, il ajoutera les autres informations génantes mises à jour par Bast.

Mis à part les retards, la campagne contre le juge Richey eut un impact négligeable sur la procédure à l'encontre des scientologues intimés. Bien que l'appel demeure quant à une recherche conventionnelle et à la question de la saisie, les inculpations contre les neuf tiennent encore. Les procès de deux derniers ont commencé en octobre sous la houlette du Juge Robinson et sont en cours.

Les activités des scientologues et de leur avocats paraissent essentiellement destinés à satisfaire cet ordre de L. Ron Hubbard, qui écrivait: "


"La DEFENSE d'une chose est INTENABLE. La seule manière de défendre quelque chose est d'ATTAQUER, et si jamais vous l'oubliez, vous perdrez toutes les batailles dans lesquelles vous vous engagez, que ce soit en termes de conversation personnelle, de débat public. NE VOUS INQUIETEZ JAMAIS DES CHARGES [PESANT SUR VOUS] faites vous-mêmes DAVANTAGE D'ACCUSATIONS, et vous GAGNEREZ."

Dans son numéro de juillet 1980, le AMERICAN Lawyer signalait que Charles Richey était en lice pour la nomination de pire juge de district fédérl du district de Columbia. L'avocat ayant le plus violemment attaqué Richey était l'un des avocats de défense de la scientologie; c'est ce même avocat qui a référé notre reporter à d'autres avocats ayant réprésenté les inculpés de l'église de scientologie.. Ce reporter, depuis qu'il a quitté le staff du Lawyer, explique n'avoir pas été conscient des efforts de la scientologie pour discréditer et récuser le Juge Richey. S'il n'y avait eu les commentaires véhéments et les références faites à "d'autres sources", notre journaliste dit qu'il n'aurait pas nommé le juge Richey dans l'enquète.

 

BATAILLES SUR D'AUTRES FRONTS

 

L'église de scientologie a presque constamment été impliquée dans des litiges depuis sa fondation voici trente ans. En plus des bagarres périodiques avec le gouvernement, l'église a dépose des flopées de plaintes contre les médias afin des les empècher de couvrir ses activités.

Voici quelques uns des plus récents impliquant l'église et les média:

Quatorze plaintes en diffamation ont été déposées à l'encontre de Paulette Cooper et don éditeur: Paulette est écrivain free-lance et auteur du livre Le Scandale de la Scientologie (non traduit en français, ndt). Les documents de l'église saisis en 1977 par le FBI ont révélé "l'Opération Freakout", campagne de harcèlement dirigé contre Cooper et incluant menaces de mort, coups de fil obscènes, lettres fabriquées quant à son soi-disant comportement sexuel, et menace de bombe fabriquée contre l'église, ayant eu pour effet son inculpation en 1973. Les charges ont finalement été abandonnées en 1975. Cooper a réagi en fin de compte par une contre-plainte de 55 millions de dollars contre l'église.

Une plainte de 1977 contre Union San Diego demandait 10000 dollars pour invasion de la vie privée à un reporter ayant pris un cours de scientologie afin d'écrire son article sur l'église. L'église a offert de laisser tomber les poursuites si l'article ne paraissait pas, mais quand il est finalement paru, l'église a augmenté ses prétentions à XX0000 dollars, ajoutant une plainte pour fraude et tromperie contre le journal. Sa demande a été rejetée après jugement sommaire.


En 1976, l'église poursuivait le Clearwater Sun de Floride, demandant 1 million de dollars, et menaçait de poursuivre le St Petersburg Times pour sa série d'articles sur l'église. Les scientologues lancèrent des rumeurs liant les officiels du Times à la CIA, au FBI, au parti communiste, et harcelèrent ses reporters. L'église finit par laisser tomber ses poursuites contre le Sun et ne dépassa pas le niveau des menaces contre le Times. En mars 1979, elle décida de poursuivre deux écrivains du New York Times, Flo Conway et Jim Siegelman, après leurs critiques de la scientologie dans le "David Susskind Show", où ils discutèrent de leur ouvrage "Snapping". Quand les scientologues abandonnèrent leur plainte, les auteurs déposèrent une contre-plainte, les accusant de poursuite malintentionnée.

L'église s'est aussi trouvée sur la défensive dans un évantail de plaintes déposées par des adeptes ou recrues désillusionnés. Actuellement, les procès en cours:

  • Une plainte déposée le 21 octobre par Lawrence Stifler, coureur du Marathon de Boston, demandant 41,25 millions de dollars de dommages pour avoir été attaqué par un recruteur de la scientologie. Stifler explique qu'en raison des blessures, il pourrait ne plus jamais pouvoir courir.

 

  • Une plainte pour 16 millions de dollars déposée en avril par Tonja Burden, 20 ans, ancienne membre de l'église expliquant qu'elle a été trompée et forcée à rester dans l'église, qui l'a utilisée à du travail d'esclave et l'a kidnappée après qu'elle se soit échappée.

 

  • Une plainte pour 21 millions de dollars du guitariste de jazz Szabo Gabor, accusant l'église d'escroquerie/extorsion, kidnapping et pour l'avoir forcé à entreprendre un "cours de réparation de vie";

 

  • Une "Class action" (poursuite de plusieurs plaignants, ndt) de l'ex-membre Lavenda Van Schaik, exigeant 200 millions de dollars pour des membres ayant quitté l'église. Sa plainte accuse l'église de contrôle mental, surveillance électronique illégale, et publication de détails sur sa vie privée dans les médias.

L'an passé, un tribunal de Portland (Oregon) accordait 42 millions de dollars à Julie Tichbourne, ancienne membre de la scientologie, qui estima que les promesses d'amélioration de l'existence faites par l'église étaient frauduleuses. L'église poursuivit alors en bloc quatre "déprogrammeurs" pour 2 millions de dollars, prétendant qu'ils avaient incité Tichbourne à se plaindre de l'église.