The American LawyerFABRIQUER DES LOIS : FABRIQUER DES ENNEMIS
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Mars 1996 Commentaire: un texte remarquable de précisions sur les décisions et l'historique de la guéguerre de la secte pour éviter que les gens ne lisent "ses imbécillités sacrées d'OVNI et autres crétineries, ce qui risque de faire fuir la plupart des clients potentiels.
Les avocats scientologues poussent
l'enveloppe de la propriété intellectuelle afin de grader
les "écritures secrètes" hors du giron d'Internet.
Est-ce que leurs lourdes tactiques n'en viendront pas à miner
leurs victoires essentielles auprès les Tribunaux? Héléna Kobrin en était extatique! Le 19 Janvier, Kobrin, avocate travaillant seule pour son unique client l'église de scientologie Internationale - venait d'apprendre la décision de la juge Brinkema d'un Tribunal de District de Virginie à propos d'une motion demandée par l'église portant sur un jugement sommaire. En appelant la Californie, elle hurlait la nouvelle: "Vous voulez savoir le résultat? La Juge Brinkema a accordé le jugement sommaire!". Elle expliqua que Brinkema avait pris sa décision: les droits d'auteur de la scientologie avaient été violés par un critique de l'église. "C'est une victoire énorme!" dit-elle. Elle a raison. Brinkema a jugé qu'un ancien scientologue qui avait posté quelques 65 pages d'écrits secrets et sacrés de la scientologie n'avait pas fait un "usage convenable" (usage correct, ou "fair use, aux USA) des matériaux, mais avait violé les droits d'auteur des 'écritures saintes'. La scientologie étant impliquée dans deux autres procès pour violation de propriété intellectuelle, dont l'un s'intéresse aux mêmes textes que le cas virginien; il se pourrait que la décision de Brinkema soit une percée dans la campagne de l'église pour protéger les écrits sacrés du fondateur de la scientologie L. Ron Hubbard, écrits formant l'ossature spirituelle et économique de la religion. Mais il est peut-être trop
tard déjà. L'église ne peut s'en prendre qu'à
ses propres tactiques lors des litiges. Les cas en jeu sur Internet
sont relativement simples en ce qui concerne les affaires de droits
d'auteur, et la scientologie a probablement un argumentaire légal
suffisant quant au fait de poster des écrits non publiés
en les postant en bloc, avec fort peu de commentaires liés: cela
viole ses droits d'auteur. Mais la scientologie ne s'est pas contentée
de faire des procès simples et ciblés pour violation de
copyrights dans ces trois affaires. Elle a tenté d'obtenir son
habituel "excès d'usage des lois": les avocats ont
cherché à obtenir et obtenu des saisies dans les trois
cas, permettant aux avocats de l'église et à des experts
en ordinateurs d'entrer inopinément chez ces anciens scientologues.
Du fait que les envois provenaient de sites internet, l'église
a aussi cherché à poursuivre les sociétés
qui fournissaient l'accès Internet à ces anciens scientologues,
arguant que ces BBs (bibliothèques de Bulletins Internet) et
Fournisseurs d'accès étaient directement responsables
des violations de copyrights en question. Lorsque le Washington Post a pu mettre la main sur les écrits secrets de l'église et qu'il a publié un compte-rendu de la dispute en citant 46 mots des secrets hubbardiens, l'église a porté plainte contre lui et deux de ses reporters. L'avocate Kobrin a tenté de faire taire la discussion qui s'en est suivie sur le forum Internet intéressé, et a par conséquent écrit des douzaines de lettres de menace à des participants Internautes qui s'étaient impliqués dans l'affaire. Ce faisant, Kobrin est vraisemblablement devenue l'avocate la plus décriée du petit monde Internaute, et probablement l'unique qui ait à subir un site qui soit dédié à de méchantes attaques contre elle. Pire, l'église a transformé sa bataille pour la propriété de ses écrits en une croisade contre certains citoyens Internautes. Certains de ces passionnés de l'écran qui n'avaient aucunement montré d'intérêt pour la scientologie furent outragés des tactiques de l'église et réagirent en conséquence. Des Internautes en fureur -- tout aussi vivement passionnés à leur manière que les scientologues battailleurs -- jouèrent à un jeu élaboré de cache-cache avec les écrits scientologues, les postant sur des sites ouverts en tous endroits bien plus vite que l'église ne pouvait les fermer. Recevoir une lettre d'Héléna Kobrin fit toute la fierté de personnalités du Net qui prirent le parti-pris de la cause anti-scientologue. Le résultat? Tout problème qu'avait pu attirer les messages illégaux fut largement amplifié, car quantités de gens se mirent à s'intéresser aux messages en question -- et plus encore mirent un point d'honneur à les rendre publics. Et les ennuis ne firent qu'aller croissant en raison de toute l'attention qu'avait porté la presse à cette bataille de la communauté du cyber-espace contre l'église. Kobrin, qui n'est guère du genre à s'excuser, ne le fait certes pas vis à vis des tactiques de l'église. Elle dit que l'église a comme règle de protéger vigoureusement ses copyrights, sans quoi elle risquerait de les perdre. Elle et d'autres avocats scientologues maintiennent avoir tout fait pour stopper les violations sans faire de procès, et une fois forcés à porter plainte, ils disent n'avoir fait que ce qu'auraient fait les sociétés de logiciels pour protéger leurs affaires. Kobrin dit aussi que le procès sert son but, les messages illicites ayant, dit-elle, diminué depuis le procès; la décision de la juge Brinkema clarifiera certainement les droits de l'église à sa propriété intellectuelle. Mais cette décision coûtera
peut-être des décisions contraires dans les deux
autres tribunaux - au prix que l'église n'est justement pas prète
à payer, c'est à dire la publicité sur ses écrits
secrets. Il est probable que cette attention s'intensifiera au fur et
à mesur que progressent les procès, créant parfois
une nouvelle loi Internaute aux implications très étendues.
Comme le dit l'internaute Ron Newman "Ils ont réussi à
transformer une guéguerre en guerre planétaire".
Les Documents
Début 66, Hubbard commença néanmoins à faire paraître des matériaux qu'il voulait garder secrets. Même les aides d'Hubbard, censés assurer la garde des matériaux scientologiques, n'avaient pas le droit de les copier ou de les lire, selon Warren Mc Shane, l'un des scientologues officiels ayant eu à témoigner lors d'un des procès Internet. Selon McShane, ces matériaux secrets dérivent des découvertes d'Hubbard sur des incidents passés "qui auraient déstabilisé le Thétan, tous les Thétans." Il avait découvert qu'il y a fort longtemps, des catastrophes avaient fait subir une expérience très traumatisante et en avait élaboré une méthode pour les en faire sortir au moyen d'une série de processus spécifiques detinés à recouvrer les aptitudes spirituelles normales de la personne." Hubbard croyait que les thétans avaient été empèchés volontairement de pouvoir résoudre ce terrible passé, et pensait avoir mis au point une méthode pour dépasser ce blocage, afin de ramener les gens à la conscience spirituelle. Mais il insistait sur le secret pour, disait-il, empècher que de sales types n'utilisent cette technologie pour dégrader davantage encore les thétans ou les empècher de recouver leurs aptitudes spirituelles. Les scientologues parlent du danger en termes spirituels, et disent que les gens qui apprennent ces données sans y être préparés pourraient en mourir ou démolir leur futur; ils disent que ceux qui lisent ces données prématurément peuvent attrapper la pneumonie et mourir. Hubbard a écrit huit niveaux
de ces matériaux secrets, nommés "Thétan Opérant"
ou "OT" de Technologie Avancée, au cours des 20 années
qui ont suivi le premier. Il y en a 700 pages en tout. Pour le privilège
de lire et étudier ces matériaux niveau par niveau, les
paroissiens supposés préparés paient des "donations
fixes" allant de 2000 dollars pour OT 1 à plusieurs dizaines
de milliers de dollars pour d'autres. L'église, témoignait
Mc Shane, tire un revenu important de ces niveaux. L'église a pris depuis longtemps des mesures extraordinaires pour garder les matériaux au secret. Les scientologues sont 'invités' à voir les documents en question après avoir signé un accord de confidentialité. Dans les débuts, ces matériaux étaient conservés dans des armoires fermées à clé dans des pièces fermées aussi. S'il fallait les déplacer, un registre l'indiquait et recevait la signature de la personne. Puis, avec les années, les mesures sont devenues de plus en plus sophistiquées. Actuellement, tous les matériaux OTs sont dans des classeurs fermés à clés, liés à un système informatique uniquemenent disponible dans six endroits au monde et confiés seulement aux staffs les plus fiables. Quand les paroissiens sont invités à lire les documents, l'instructeur ôte le dossier de son armoire et le décroche électroniquement, ce qui ferme immédiatement la porte de la pièce. L'instructeur n'a que 20 secondes pour accrocher le dossier à la table avant que ne se déclenche l'alarme et que des gardes armés arrivent sur les lieux. Cela n'a pas empèché
ces matériaux OT de sortir en douce. L'église maintient
que seul un vol a permis qu'ils sortent. Certains ont été
volés en Angleterre, d'autres au Danemark en 83. Les voleurs
se sont "habillés en uniformes de l'église portés
par les membres de la Sea Org ("élite" sciento, ndt)
- les membres de l'organisation danoise sont tombés dans
le piège et leur ont permis de voir les matériaux dans
la pièce gardée; les voleurs les auraient ensuite mis
dans leur attaché-case pour les sortir et les emmener dans leur
voiture qui attendait devant l'église avec le moteur tournant."
Tout à fait comme dans les Flics de Keystone, selon Robert Vaughn Young, qui fut cadre général des Relations Publiques de l'église jusqu'à son départ en 1989. Young a témoigné dans un des cas Internet que les matériaux OT étaient sortis par trente-six voies. La plus marrante, a-t'il dit, C'est celle d'un monsieur très bien qui a pris les matériaux, les a collés dans sa mallette; qu'il a laissée sur le toit de la voiture, et il est parti: les documents se sont envolés, et les matériaux OT ont jonché le sol hollywoodien! Il y a plusieurs exemples de cas où ils ont été perdus. Young en cité une flopée , depuis 1977. Et quels secrets on nous cache! D'après
divers récits publiés auparavant, Hubbard écrivit
qu'il y a 75 millions d'années, un dictateur galactique nommé
Xenu (parfois aussi Xemu) a exilé sur Terre (alors nommée
Teegeeack) des esprits - les thétans - qui reçurent une
"implantation" dans des volcans. Les volcans explosèrent,
et les thétans envahirent l'humanité, ce qui serait la
cause de nos misères. "La cruelle réponse de
Xenu au problème des mondes surpeuplés" titra
l'un des récits des niveaux OT en 1988, dans le St Petersburg
Times (bizarrement, en dépit du secret entourant l'affaire de
Xenu, Hubbard l'avait déjà racontée dans 'Révoltes
au sein des planètes', un scénario qu'il essaya de vendre
vers 1980, selon Young). Les matériaux contiennent aussi des
instructions précises d'Hubbard pour inverser les effets de ce
cataclysme d'ampleur toute galactique. [note du traducteur: c'est
un fait que j'ai vu passer un projet vers 1980, où il était
expliqué qu'Hubbard préparait un film permettant de réactiver
les incidents de "OT3" chez les spectateurs, afin qu'ils viennent
en scientologie...] Après le décès d'Hubbard en 1986, sa succession a obtenu la licence des droits d'auteur des matériaux OT par le biais d'une organisation dénommée le "Centre de Technologie religieuse", ou "RTC", dont Mc Shane est le patron. Le RTC les a fortement protégés. A chaque fois que ces matériaux ont vu le jour, dit Mc Shane, nous avons porté plainte. En 1983, par exemple, un ex-associé d'Hubbard nommé David Mayo est parti de scientologie et a fondé une nouvelle église, "l'Eglise de la Nouvelle Civilisation". Il se servait de matériaux similaires aux écrits OT, et la scientologie a porté plainte en 1985, prétendant que Mayo faisait partie des complices des européens ayant volé les matériaux OT. Cette même année, les avocats de l'ex-scientologue Lawrence Wollersheim, en procès avec l'église depuis dix ans et actuellement l'un de ceux qui défendent un des procès Internet - obtint indirectement des copies par quelqu'un au sein de l'église de la nouvelle civilisation. Trois jours après que la tribunal ait revu les matériaux et refusé de les placer sous scellés, la Scientologie portait plainte contre Wollersheim et ses avocats en Cour Fédérale, en criant au racket et à l'appropriation illégale de secrets commerciaux. Le cas finit par être démis, mais pas avant que la Neuvième Cour de Circuit n'ait décidé que les matériaux OT scientologues n'étaient pas des secrets de commerce, puisque l'église en avait annoncé la valeur purement spirituelle plutôt qu'économique. Plusieurs années plus tard, la scientologie rechercha des commentaires de la part du Neuvièeme Circuit et prétendit qu'un ex-scientologue du nom d'Enid Vien, qui se servait dans ses cours de matériaux similaires aux matériaux OT, lui faisait un tort économique puisque l'église dépendait de ses donations fixes de la part des paroissiens qui devaient payer le privilège de voir les matériaux d'OT 1. Kobrin, l'avocate de l'église, disait ne pas connaître d'autre religion ayant défendu ses données sous la forme de secrets commerciaux; en 1993, une décision sommaire du tribunal de San Diego, parlant du cas Vien, accordait à la scientologie un jugement sommaire allant dans le sens des "secrets de commerce". Elle décidait aussi que Vien avait violé les copyrights de l'église. Cette même année, cependant,
un autre ancien scientologue, le condamné pour délit
Steven Fishman, lâcha 65 pages de matériaux OT dans
les dossiers d'un procès en diffamation que l'église
avait entrepris contre lui en raison des réponses qu'il avait
faites à Richard BEHAR, journaliste du Times, pour son article
essentiel "Scientologie, secte affamée de pouvoir et d'argent".,
Fishman disant avoir acheté les matériaux à un
ancien staff ayant besoin d'argent pour pouvoir continuer à progresser
dans les niveaux OT, ces matériaux étant joints
dans le dossier pour prouver les méthodes de contrôle coercitif
de l'église, tandis que l'église maintenait que Fishman
ne les avait pas achetés, mais obtenu d'un autre avocat défendant
un autre procès, et s'étant arrangé pour les obtenir
après démission du cas et déscellement du dossier.
L'église prétend que l'intention de Fishman était
d'exercer un chantage contre elle. Mais le juge révisant l'affaire Fishman a refusé de sceller le dossier, tout comme le Neuvième Circuit, qui expédia l'affaire en procès devant les jurés pour la suite. Jamais à court de ressources, l'église paya des scientologues qualifiés pour garder les dossiers du tribunal. Tous les matins, un scientologue signait la décharge du dossier, et cela, durant toute la durée du procès. L'église maintient que grâce à ce remarquable effort, une seule copie du dossier secret put être effectuée par un journaliste du Washington Post. Les Matériaux OT frappent Internet Fin Novembre ou début Décembre 1994, des messages commencèrent d'apparaître sur Internet, dans le groupe de discussion (NG ou forum) "alt.religion.scientology", lequel était depuis sa création en 91 un chaudron de débats acharnés entre d'anciens, de nouveaux, et d'hésitants scientologues. Expédiés anonymement depuis nobody@replay.com, adresse empèchant qu'on puisse retrouver l'expéditeur, les messages contenaient les matériaux OT visés. Les messages émanant de "Nobody" attirèrent l'attention de Dennis Erlich, ancien scientologue ayant commencé à participer à alt.religion.scientology quelques mois auparavant, après avoir passé quelques quinze années en Scientologie comme "Officier en Chef du Repèchage", ce qui consiste à réviser ce qu'il nomme le lavage de cerveau de l'église. Erlich était un critique très violent depuis qu'il avait quitté l'église en 1982, ayant amassé quantité d'ouvrages scientologues et assistant d' autres anciens scientologues pour les conseiller. Erlich a sauté dans "ARS" 'alt.religion.scientology' avec fureur, postant 20 à 30 messages par jour. Dans ce groupe de news, dit Newman, à cette époque encore participant occasionnel, Erlich était volontiers décapant et bagarreur, mais aimable. "Il lui arrivait d'être dur envers ceux qui ne l'avaient pas volé, dit Newman". "Il y avait là une poignée de scientologues bavardant avec une poignée de sceptiques", dit Erlich. J'ai eu vite fait de mettre mon pied dans la fourmillère: ils m'ont croisé jusqu'à ce qu'ils ne puissent plus m'éviter". Erlich accompagnait souvent ses longs messages de matériels scientologues scannés ou recopiés avec son ordinateur, ou de pamphlets et critiques tirés de sources publiques après avoir quitté l'église. En Août, Erlich reçut une lettre d'un avocat, Thomas Small de la firme Small Larkin & Kidde de Los Angeles, l'un des cabinets régulièrement utilisés par l'église en supplément de ses propres avocats sur les questions de propriété intellectuelle; l'avocat l'avertissait qu'il violait les copyrights scientologiques. Il en reçut une autre en Septembre. Il les ignora toutes deux. En Décembre, lorsqu'Erlich constata que les matériaux OT postés étaient authentiques, il les reposta, accompagnés de brefs commentaires affirmant qu'il s'agissait des vrais: "En fait, j'ai en quelque sorte affirmé et signé en ajoutant quelques commentaires pour les non-scientologues pour dire qu'ils étaient authentiques", dit-il. L'église réagit par
un courrier électronique du 28 décembre signé Small,
mais expédié via le compte internet de l'avocate scientologue
Helena Kobrin: "Des actions seront entreprises contre vous et tous
ceux qui ont participé ou contribué à vos violations",
disait le mail; "Ceci comprend ceux qui ont fourni les systèmes
et services par lesquels vous faites passer vos messages. Il vaut mieux
pour vous ôter tout message non autorisé et arrèter
d'expédier d'autres messages contenant des matériaux de
notre client, sans quoi nous n'aurons plus d'autre choix que de porter
plainte contre vous." Joignant le geste à la parole, l'avocate Kobrin expédiait le lendemain un courrier aux founisseurs d'accès Netcom On-line Communications services, Inc, le fournisseur utilisé par support.com, BBS auquel Erlich avait souscrit. D'après l'avocat de Netcom, Randolf Rice, du groupe légal Genesis de San Jose, Kobrin exigeait que Netcom stoppe l'accès d' Erlich aux services d'Internet. Le jour suivant, Kobrin contactait Tom Klemesrud, l'opérateur du système de support.com, alléguant des violations de copyrights par Erlich. "Si l'un des trois avait réagi
aux demandes de l'église et que les postes d'Erlich aient disparu,
il n'y aurait pas eu procès, assure Kobrin. La seule chose qui
nous intéresse est de protéger nos matériaux."
"Si les gens corrigent leurs violations, nous ne poursuivons pas
en justice". "Menaces et Harrassement"
Kobrin a commencé par travailler
comme avocate de l'église de scientologie à mi 1990, pratique
qu'elle trouva significative; elle déménagea à
Los Angeles pour rejoindre Bowles & Moxon, petite affaire travaillant
essentiellement pour le département légal interne de la
scientologie. Kobrin développa ses qualifications dans le domaine
de la propriété intellectuelle, travaillant sur les affaires
Vien, Mayo et Wollersheim au début des années 90. Elle
ouvrit sa propre affaire en 1995 quand le cabinet Bowles et Moxon disparut.
Kobrin n'a pas la superbe du très ancien avocat scientologue Earl Cooley de Boston, Manion, Moore & Jones, qui fut le principal conseiller légal lors des premières étapes des affaires Internet. Au téléphone, elle est courtoise et professionnelle, bien que par instants, sa colère soit sensible: elle est mortellement sérieuse quant à la protection des écrits sacrés de son église. Lorsque les scientologues ont vu apparaître les écritures sacrées anonymement postées, dit-elle, les avocats de l'église ont contacté le reposteur-anonymiseur, sans pouvoir identifier la "personne anonymisée". Lorsqu'Erlich reposta les matériaux, l'église le reconnut bien sûr immédiatement. "Il avait déjà essayé de semer le trouble avec des affirmations mensongères et insensées, et avait été lié à d'autres groupes faisant de même," dit Kobrin, en citant le "CAN" (association anti-sectes américaine, ndt), l'ennemi juré de la scientologie auquel Erlich est lié.Elle dit que l'absence de tentatives de l'église pour censurer Erlich qui postait les écritures sacrées est une preuve du fait que le seul but était bien de protéger les copyrights et secrets commerciaux de l'église. En réaction aux dernières exigences de l'église en Décembre 96, ni Erlich, ni Netcom, ni l'opérateur du système d'Erlich (Klemesrud) n'acceptèrent de garantir que les messages contenant les secrets protégés ne se reproduiraient pas. Erlich envoya un courrier électronique disant: "Je n'apprécie pas vos menaces. J'exerce (sic) mes droits de citoyen américain. Si ça vous pose un problème, faites ce que vous voulez. Ne m'expédiez plus aucun de ces courriers de menace dénués de fondement pour me harceler." Klemesrud répondit à Kobrin qu'il considérerait pouvoir ôter les matériaux de son BBS, mais seulement après avoir reçu une copie des originaux qui pourrait confirmer ce qu'avançait Kobrin. Celle-ci s'y refusa, affirmant que les matériaux étaient des secrets de commerce. Netcom expédia Kobrin vers son conseiller légal, Michael Sullivan du Cabinet de Menlo Park "Pillsbury, Madsion et Sutro", qui finit par dire à Kobrin que Netcom n'avait pas le droit de fermer l'accès d'Erlich à l'Internet sans également fermer 500 autres souscripteurs du BBS. Netcom ne s'intéressa pas aux messages d'Erlich avant que Sullivan ne réponde à Kobrin. En Janvier 1995, Kobrin essaya une
autre méthode pour résoudre le problème; elle expédia
des messages au serveur d'accès Usenet qui tient le forum alt.religion.scientology;
Kobrin informait le serveur que le groupe 'ARS' avait démarré
par une message fabriqué violant la propriété intellectuelle
de l'église à cause du simple mot "scientologie",
alors qu'il s 'agissait d'un asile pour les critiques anti-sciento.
Elle demanda au serveur Usenet d'annuler le groupe de news.
Internet se réveille
Le Professeur de science informatique Richard Cleek de l'université du Wisconsin se joignit à l'action de Newman: "C'était un ensemble de comportements insupportable et sans précédent", dit Cleek, qui fut appelé ensuite comme témoin dans les procès Internet. "C'était là une attaque portant sur l'essentiel du Net, dont le coeur même se situe dans la possibilité de créer un groupe de news sur le sujet choisi, et dans la liberté d'y accéder. C'était une attaque orchestrée : inacceptable." Parmi la culture anarchique qui prévaut dans ces parties d'Internet, l'attaque scientologique a échauffé les passions. Certains de ces internautes étaient, après tout, aussi dévoués à leur cause que Kobrin à la sienne. "Pas mal d'entre nous tenons le Net pour aussi sacré qu'ils tiennent leurs matériaux OT", dit Newman: "Pour certains, préserver la liberté de parole sur le Net est plus important que tout ce qui se passe dans le monde libre". Tandis que les forums Internet retentissaient
des nouvelles du conflit scientologique, un lexicographe en ordinateurs
nommé Grady Ward s'amena: "On m'avait élevé
dans la croyance en la sacro-sainteté de la liberté de
parole,", dit Ward. Ward était un partisan brûlant
de la liberté d'expression ayant autrefois distribué un
"manuel des employés de l'Agence Nationale de Sécurité"
sur Internet. Il a commencé à lire Alt.Religion.Scientology
en janvier, puis est très vite devenu critique ardent de la scientologie,
postant de temps à autre des attaques horriblement dégoûtantes
contre Kobrin. Tout comme Newman, Ward décrit sa guerre anti-sciento
comme une obligation morale: "Je n'ai jamais fait le Vietnam, dit-il;
je crois que je dois quelques années de bons services à
mon pays. C'est mon service pour mon pays: je défends la Constitution."
Le premier Procès
Cooley tempèta durant cette
audition, assurant que le but des anciens scientologues n'était
autre que la destruction de l'église. "Le plan consiste
à exposer ces matériaux avant que que les gens ne soient
en mesure de les aborder", dit-il; "cela , pour ridiculiser
et avilir l'église de scientologie"... "l'intention
est de balayer cette religion en la ruinant financièrement et
en détruisant ses droits." Donc, le 7 Février 1995, les avocats scientologues déposèrent contre Erlich, Netcom et Klemesrud une demande d'ordre de restriction au tribunal de San Jose. Erlich avait copié au moins 154 pages de matériauxl secrets sur Internet, disait l'église, et il semblait exister de bonnes raisons de croire qu'il continuerait. Les avocats soutinrent que Netcom et Klemesrud contribuaient aux violations commises par Erlich en l'autorisant à accéder à Internet, après que l'église leur ait notifié les violations commises par Erlich. "Erlich a commencé et continue sa campagne insidieuse de violation de copyrights et d'appropriation de secrets commerciaux", disait l'église: c'est Netcom et Klemesrud qui le lui permettent." La seule méthode de litige
envisagée par la scientologie depuis toujours se trouve dans
un petit texte d'Hubbard souvent cité par les avocats; il dit:
"le but des procès n'est pas vraiment de gagner, maisde
harrasser et de décourager... la loi peut être utilisée
très facilement pour harceler et... suffira en général
à provoquer le déclin professionnel [d'un ennemi]. Si
possible, ruinez-le carrément." Il est certain que l'église
n'a jamais eu froid aux yeux lors des procès: les fabricants
de tabac ont l'air d'enfants de choeur à côté d'elle;
elle inonde les tribunaux de documents, fait appel sur tout, hurle des
accusations de folie ou pire à ses opposants, et va même
jusqu'à enquèter et poursuivre les avocats de la partie
adverse en procès. Le procès Internet n'a pas fait exception: Simultanément avec la demande "d'ordre de restriction" qu'elle voulait obtenir contre Erlich et son fournisseur d'accès, Kobrin et d'autres avocats de l'église ont également cherché à obtenir un ordre de saisie contre lui, en arguant qu'il leur fallait obtenir tous les matériaux scientologues en sa possession. Ces demandes sont assez courantes dans des cas de contrefaçon - par exemple; lorsqu'un fabricant imite les montres Rolex ou les sacs Cartier, et on s'en sert dans les cas de piraterie logicielle. L'avocate sciento Kobrin dit que les sociétés luttant contre le piratage n'avertissent pas avant les raids, et elle tient à sa politique "terre brûlée" de la scientologie, car dit-elle, la scientologie avait tout tenté avant de se décider à agir face à l'intransigeance d'Erlich, Netcom et Klemesrud. "Mon impression, c'est que l'église a le dos au mur", dit William Hart du cabinet New-Yorkais de Paul, Hastings, Janofsky & Walker, qui a récemment été embauché dans l'affaire proprité intellectuelle par l'église. "Ils pensaient devoir en passer par là." Mais les avocats des defenseurs du procès Internet disent que les saisies sont excessivement rares lorsqu'il n'y a pas preuve que quelqu'un tire un bénéfice commercial de la distribution illégale des matériaux protégés. (En effet, l'avocat de l'église, Eric Liebermann du cabinet new-yorkais Rabinowitz, Boudin, Standard, Krinski & Liebermann, dit ne connaître aucun cas similaire). Quant à Carla Oakley, du cabinet de San Francisco Morrison & Foster, qui représente gratuitement Erlich, elle dit "En pareilles circonstances, c'est tout à fait extraordinaire". Le Juge Ronald White de la Cour de District US a pourtant accordé la saisie, autorisant la scientologie a prendre possession de tous les écrits d'Hubbard possédés par Erlich, depuis les fichiers de son ordinateur jusqu'aux textes de scientologie déjà publiés. Le 13 Février 1995, un groupe
incluant l'avocat scientologue Thomas Small et l'officiel scientologue
Warren Mc Shane arriva chez Erlich, accompagnant un officier de police
de Glendale, Californie. D'après Erlich, l'officier de police
partit au bout d'une heure ou deux, laissant deux policiers superviser
les recherches dans la maison, durant sept heures." Les représentants
scientologues ont personnellement copié les matériaux
de l'ordinateur d 'Erlich et effacé les informations de son disque
dur." Les avocats d'Erlich (ceux du cabinet Morrison et Foster)
ont répondu à la plainte des scientologues "Les matériels
pris au domicile de M. Erlich et effacés de son disque dur contiennent
bien plus de choses que celles que décrivait l'ordre de saisie,
entre autres, des correspondances privées et confidentielles
au sujet des impôts, finances et efforts de recherche d'Erlich."
"La télévision Fox avait un cameraman qui m'a filmé pendant que je priais l'officier de police de Glendale de ne pas les laisser me confisquer mon matériel sans examiner les disques et copies pour voir ce qu'ils emmenaient," indiqua Erlich dans un message sur ARS après le raid. On m'a néanmoins refusé de regarder ce qu'ils avaient copié sur mon disque. Les criminels arrètés ont davantage de droits que ceux que ces officiers et ce juge m'ont laissé dans ma propre maison". La plainte amendée déposée
par les avocats de l'église le 3 Mars 1995 affirme qu'Erlich
a violé les droits d'auteur de matériaux publiés
et non publiés de l'église et qu'il s'est approprié
illégallement des secrets de commerce en postant les matériaux
OT. L'église a aussi allégué nombre de choses époustouflantes
à l'encontre de Netcom et de Klemesrud, affirmant que le BBS
et le fournisseur d'accès étaient directement responsables
des mêmes violations de copyrights. Les messages d'Erlich passaient
par l'ordinateur de Klemesrud, qui les gardait quelques jours en stock
et faisait une copie supplémentaire ensuite expédiée
à Netcom; Netcom enregistrait alors les matériaux sur
sa machine , les copiait et distribuait aux destinataires demandés
par Erlich, c'est à dire au forum de discussion critique de la
scientologie. Ce copiage par ordinateur, disait l'église, revenait
à violer les copyrights.
Le cache-cache OT Liebermann et Hart, hors le fait d'être les avocats pour l'histoire de propriété intellectuelle de l'église, maintiennent que la scientologie s'est comportée comme tout autre plaignant tentant de protéger ses droits d'auteur, et qu'il existe des précédents suffisants aussi bien pour la saisie que pour la poursuite judiciaire en responsabilité des fournisseurs d'accès. Mais les segments de la communauté Internaute ne s'intéressaient pas du tout à la loi sur les copyrights: si l'effort de Kobrin en Janvier pour faire sauter le forum alt.religion.scientology avait exaspéré le monde internaute, le raid chez Erlich et les argumentaires de l'église ajoutant que Netcom et Klemesrud étaient également directement responsables des violations souleva une véritable frénésie chez les internautes - d'autant que ces arguments pouvaient, le tribunal en convint, faire sauter Internet. Il débarqua sur 'alt.religion.scientology' des tas de gens dont on n'avait jamais entendu parler auparavant, dit Newman: " si la scientologie avait poursuivi Dennis Erlich seul et sans faire de descente chez lui, ça n'aurait pas remué ciel et terre; ça aurait fait une tempète dans une tasse de thé. Mais le raid et le procès anti-internet (anti-fournisseurs d'accès) chauffa les choses à blanc. "[le raid] avait tellement l'air d'être au delà du remède nécessaire face aux violations de copyrights, dit le fanatisé de la libre expression Grady Ward, "que ça m'a littérallement galvanisé, ainsi qu'un milliers de gars sur le Net". Et voilà que les netiziens
ne se contentèrent plus de poster des pétitions sur le
net, ou d'aller voir ce qui se passait pour flanquer la rouste écrite
à la scientologie, mais qu'ils commencèrent à mémoriser
sur leurs machines des pans entiers de matériaux OT, la plupart
du temps des extraits de six ou sept lignes considérés
comme particulièrement ridiculisants [pour l'église].
Tenter d'obtenir une lettre d'Helena Kobrin devint une sorte de jeu,
dit Newman. Des Intenautes commencèrent à ouvrir des pages
web critiques de l'église; par exemple, Newman élabora
une page excessivement détaillée sur http://www.cybercom.net/~rnewman/scientology/home.html
[Note de Ron Newman, Février 98: la page est désormais
accessible en anglais à http://www2.thecia.net/users/rnewman/scientology/home.html]
Le pire pour l'église restait à venir: les écritures secrètes jaillissaient dans tous les lieux. Un expéditeur anonymisé nommé "SCAMIZDAT" passa le printemps et l'été 1995 à poster des documents dans des sites éparpillés dans tout l'internet. (Grady Ward est un de ceux qu'on soupçonne d'être SCAMIZDAT, et les représentants de l'église effectuèrent une descente chez lui pour lui parler de ses erreurs à leur façon; un détective privé engagé par l'église questionna aussi les associés de Ward). Les avocats de l'église, affirme Kobrin, furent en mesure de persuader bon nombre de fournisseurs d'accès d'ôter les messages illicites, mais le professeur Cleek explique que des utilisateurs informatiques avertis savaient qu'il suffisait de chercher le mot "SCAMIZDAT" dans un bon moteur de recherche pour trouver les matériaux OT. Jusqu'en Septembre 95, témoigna Cleek, on pouvait les trouver en sachant où chercher. "C'était le jeu de l'apprenti
sorcier, dit l'ex-scientologue Robert Vaughn Young: "à chaque
fois qu'ils en ôtaient, il en revenait. Il y en avait de partout.
Les gens d'Internet se régalaient de cette anarchie. L'Internet
est à la Scientologie ce que le Vietnam fut aux Etats-Unis: peu
importait comment et combien de bombes étaient lâchées,
peu importait le nombre d'attaques, ça ne faisait qu'empirer".
Choper au passage la déclaration de Fishman
Puis, les 1er et 2 août 95, les matériaux du procès Fishman se retrouvèrent sur alt.religion.scientology. C'est un ancien scientologue nommé Arnaldo Lerma qui les y posta sans commentaires. Tout comme Erlich, Lerma avait passé des années en scientologie, dont sept ans comme membre de l'élite "sea org" (organisation maritime). Il dit que sa tâche consistait à vendre des services très coûteux au public scientologue, et qu'il dépendait de la sea org en tout (nourritures, vètements et logement). Lerma avait quitté la scientologie en 77; il dit qu'une des filles d'Hubbard et lui étaient tombés amoureux, et qu'Hubbard avait finalement mis son véto. Il démarra ensuite une petite faffaire d'électronique en Virginie. Pendant près de vingt ans,, dit-il, il n'eut plus de contacts avec la scientologie, ni même avec d'anciens amis ayant comme lui ensuite quitté l'église. En 1994, Lerma acheta un guide d'internet avec une liste de forums, et lut le nom de "alt.religion.scientology". "Mes motifs - en fait, je me fichais de critiquer la scientologie", insiste-t'il;" je voulais rencontrer mes anciens amis." Il signala à ces amis qu'il avait un scanner, et les gens commencèrent à lui expédier des copies de documents judiciaires critiques de la scientologie, qu'il mettait sur son disque dur avant de les poster. Il en expédia une centaine de pages sur ARS entre Juillet 94 et Juillet 95. Il fut convié en Juillet à rejoindre la direction de "FACTNET", librairie d'information sans but lucratif fonctionnant en ligne, un groupe impliqué dans la " lutte contre les tactiques coercitives usant de contrôle mental". Le directeur de l'époque n'était autre que Larry Wollersheim, l'ex-scientologue dont les propres avocats avaient été poursuivis en justice par l'église dans les années 80 parce qu'ils avaient les matériaux OT. Wollersheim, qui a gagné un procès de plusieurs millions de dollars contre l'église dans le procès d'état qui l'opposait à elle, avait amassé une gigantesque librairie de documents [en anglais] scientologiques, incluant les matériaux OT de son procès et une copie des matériaux Fishman (il aurait été nommé expert dans le cas Fishmann s'il n'avait été démis). Bien que Factnet recueille toute information sur tout groupe censé être une secte, il se spécialise néanmoins plutôt dans les matériaux scientologiques. Les membres du Conseil Factnet sont souvent des critiques anti-scientologie bien connus, dont l'ancien membre de la Sea Org Gerald Armstrong, ou encore Jon Atack, auteur d'une bibliographie d'Hubbard non autorisée par l'église. Après avoir rejoint Factnet, Lerma conmmença à scanner un document précédemment reçu, une déclaration jointe aux 65 pages d'écrits OT du procès Fishman. Le récit de la provenance du document par Lerma a varié. Il a d'abord déclaré qu'il croyait, après avoir conversé avec Wollersheim, que les matériaux Fishman étaient devenus des archives Factnet. Puis il a dit qu'ils provenaient d'un autre critique de la scientologie, et maintenant, il n'est pas vraiment sûr de savoir d'où ils viennent. Mais il vérifia les documents pour leur authenticité - ils l'étaient - et appela Kemp Harshman, un de ses amis avocat spécialisé dans les libertés civiles, pour savoir s'il y aurait des raisons empèchant de le poster dans un dossier accessible au public. Il dit avoir reçu des assurances positives d'Harshman (qui confirme en effet ce que dit Lerma, bien qu'il dise n'avoir pas réalisé que les matériaux couverts par copyrights faisaient partie du document). Lerma les scanna donc, les mit sur sa machine et les envoya sur alt.religion.scientology, plus une copie à Factnet. D'après l'avocat Earle Colley, l'église surveillait alt.religion.scientology 24 heures sur 24 pour tracer les documents illégallement postés. Le 3 Août, Lerma reçut un courrier de Malvin Jager, de chez le cabinet William Brinks Hofer Gilson & Lione, que l'église avait engagé pour augmenter sa force de frappe anti-violations de copyrights. Lerma reçut aussi la visite de deux femmes de l'église qui tentèrent de le convaincre d'arrêter des poster ces documents. Comme pour Netcom et Klemesrud dans le procès Erlich, le fournisseur d'accès de Lerma, une petite affaire nommée Digital Gateway Systems, Inc., reçut notification de la violation supposée de Lerma. Robert Carter, le Président de Gateway, appela Kobrin, lui parla, tout comme Klemesrud l'avait fait, en demandant une copie des originaux pour vérifier si Lerma avait violé les copyrights. Avant qu'ils reparlent de cette affaire ensemble, plusieurs jours s'écoulèrent et les messages de Lerma avaient été ôtés du système de Gateway Digital. De plus, Lerma assurait par lettre à Digital Gateway n'avoir pas l'intention de violer à nouveau les copyrights. Néanmoins, le 11 Août 1995, les avocats scientologues Cooley et Kobrin de la firme Willian Brinks débarquaient à Alexandria, Virginie, exactement comme dans l'affaire de la juge de district Leonie Brinkema, cherchant à obtenir un ordre de restriction temporaire et un ordre de saisie contre Lerma, résident en Virginie. Brinkema les écouta brièvement, Cooley assurant que Lerma postait les documents incriminés "au petit bonheur", et que tant qu'il les aurait en sa possession, l'église ne pouvait être certaine qu'il ne les reposterait pas. Cooley assura Brinkema que la saisie serait limitée, et qu'un expert indépendant superviserait la recherche des données électroniques chez Lerma. Brinkema accorda la saisie. Le 12 Août 95, Cooley, Kobrin, l'officiel scientologique Mc Shane, deux maréchaux des logis et l'expert en ordinateurs de l'église effectuaient une descente chez Lerma et emmenaient des cartons entiers de ses affaires. "Je murmurais: c'est une église, ça?, dit Lerma, "Warren Mc Shane fouillait mes tiroirs de slips; je pensais qu'une fille ne devait pas se sentir mieux quand on la violait". Trois jours plus tard, FACTNET publiait une déclaration venant en aide à Lerma. Bien que cette archive en ligne ait pour règle de ne pas poster ni distribuer publiquement de matériaux couverts par copyrights, les directeurs de Factnet, Larry Wollersheim et Bob Penny, dirent que Lerma avait expédiés ces données au titre de directeur de Factnet, et que les matériaux Fishman ainsi postés encourageraient le type de communications et d'informations que soutenait Factnet. De plus, disait la déclaration, ces raids civils n'étaient que des tentatives brutales de la scientologie pour faire taire les critiques. "La réaction de ceux qui désirent protéger le dialogue public et les bibliothèques ou archives préservant cette information doit SUBMERGER!" annonçait-elle; "Il faut que Factnet et un corps de volontaires s'attaque immédiatement à disséminer mondialement cent ou mille autre témoignages comme celui de Fishman provenant des dossiers publics sur la scientologie. La scientologie doit apprendre qu' attaquer ses critiques par le biais de raids immoraux et illégaux ne vaut rien." Armés de l'appel de Factnet demandant à continuer à violer les copyrights, les avocats scientologues allèrent en Cour Fédérale de Denver le 21 Août, demandant un nouvel ordre restrictif ainsi qu'un ordre de saisie contre Factnet, Larry Wollersheim et Penny. Sans poser de question, le juge Lewis Babcock accorda les deux. Le raid qui s'ensuivit ferma l'accès au BBS Factnet. Des milliers de fichiers furent saisis chez Penny et Wollersheim, dont les disques durs furent fouillés pour trouver non seulement les fichiers contenant les mots des matériels OT, mais aussi, pour trouver ceux contenant le nom de Grady Ward et les noms des avocats impliqués dans les procès où Wollersheim était nommé à titre d'expert. L'église n'en avait toujours
pas fini avec sa guerre éclair d'août 95: le lendemain
de la plainte contre Factnet, l'église amendait sa plainte dans
le procès de Virginie, ajoutant le Washington Post et deux de
ses reporters qui avaient été la source des matériaux
donnés à Lerma et lui avaient donné des copies
des dossiers de l'affaire Fishman avant qu'ils ne soient palcés
sous scellés. A partir de l'information tirée du disque
dur de Lerma après le raid de son domicile, l'église découvrit
les copies du Post et exigea du journal les originaux sur papier desdites
copies. Le journal accepta. Mais une correspondante du Post retourna
au Tribunal où la déclaration Fishman n'était toujours
pas scellée, et obtint copie des dossiers. Elle les renvoya à
Washington, où le Post publia le 19 Août un historique
de l'offensive Internet de la scientologie, citant brièvement
trois phrases des matériaux Fishman, soit en tout 46 mots. La
Scientologie argua que ces 46 mots constituaient une violation de copyrights
et reflètaient la vendetta continue des reporters du Post contre
l'église.
Protection de ses droits, ou faire taire ses critiques?
Au coeur de toutes ces questions gît la véritable motivation du procès scientologue face à Internet. Pourquoi l'église a-t'elle été si provocatrice dans ses attaques? Les avocats scientologues ont toujours maintenu que l'unique intention de l'église dans les trois cas avait été d'imposer ses copyrights légitimes, et non, de faire taire ses critiques. "La meilleure manière d'analyser ceci, dit Earl Cooley, l'avocat scientologue, "c'est de regarder ce que l'église a dû faire pour entamer ces procès. Il y avait eu des milliers de messages sur alt.religion.scientology. On y critiquait vicieusement des gens qui se trouvaient être scientologues. Ce n'est qu'après que les matériaux protégés aient été postés que l'église s'est décidée à attaquer. Le débat continue, et il peut continuer." Lorsqu'on demande à Kobrin, qui a subi certaines de ces attaques vicieuses, si les procès sont un moyen de couper les jarrets de la critique anti-scientologue, elle pique une colère: "Je trouve ce genre d'affirmations révoltant; rien n'est plus faux. Erlich cassait du sucre sur le dos de l'église depuis des années. Il a fallu qu'ils se décident à poster ces matériaux protégés avant qu'on ne les attaque. Nous protégeons notre propriété intellectuelle, un point c'est tout." Kobrin ajoute, et ça sonne juste, que les internautes qui envisagent ça différemment le font "sans tenir compte de la réalité": "il existe des règles et des lois auxquelles se soumettre. La plupart de ces gens n'entreraient pas dans une librairie ou une bibliothèque pour photocopier des livres et les vendre; mais ici, ils croient qu'il s'agit d'un nouveau jeu, avec de nouvelles règles." [notons quand-même qu'aucun des critiques n'a jamais cherché à vendre ces matériaux] L'avocat Liebermannn de chez Rabinowitz & Boudin signale que même lorsqu'elle a attaqué les fournisseurs d'accès, l'église a montré une certaine retenue. Liberman insiste sur le fait que ces fournisseurs d'accès n'étaient pris à partie qu'après avoir été dûment informés des violations par l'église, et non pas parce qu'ils avaient simplement accepté passivement le copiage d'informations faisant partie des obligations sur Internet. Il dit que "l'église a pris un parti médian: le procès ne porte pas sur la critique de l'église, aussi diffamatoire et médisante qu'elle puisse être, mais sur les violations de propriété intellectuelle. L'église fonce là-dessus." Cependant, les défenseurs
et leurs avocats sont convaincus que l'église se sert des raids
pour intimider et recueillir de l'information sur les critiques anti-scientologues,
et qu'elle poursuit les fournisseurs d'accès pour que d'autres
fournisseurs d'accès ne protestent pas lorsque l'église
se plaint de violations de copyrights. L'avocat de Digital Gateway Systems,
Michael Grow, du cabinet Washingtonien Columbus, Vorys, Sater, Seymour
& Pease, a noté dans une demande de jugement sommaire à
propos du cas de Lerma en Virginie: "L'église n'avait pas
de fondement solide pour nommer Digital Systems Inc. dans ce procès,
et il est clair qu'elle l'a fait pour intimider d'autres fournisseurs
d'accès Internet afin qu'ils évitent de fournir des accès
à des clients tels que Lerma" (Depuis, Digital a signé
un compromis avec la scientologie, compromis confidentiel selon Grow).
Le procès contre le Washington Post, indique son avocat new-yorkais Charles Sim du cabinet Proskauer, Rose, Goetz & Mendelsohn, ajoute encore aux preuves que le vrai motif scientologue n'est qu'intimidation. Sim qualifie ce procès de vulgaire outrage et écrit dans sa demande de jugement sommaire "que cela définit pratiquement les circonstances permettant de récompenser le défenseur:... on ne peut considérer objectivement raisonnable une plainte en justice comme celle du 19 Août. De plus, le tribunal a pu constater en première main que l'intention apparente de l'église était d'enterrer ses opposants et le tribunal sous des tonnes de documents. L'église se sent forcée de faire passer le message suivant: ' les tribunaux de cette nation ne sont pas des moyens acceptables pour cracher ses attaques contre ses critiques' - (Le Juge Brinkema a été d'accord: dans sa décision du 28 Novembre, il a démis la plainte contre le Post et a accordé au Post les frais de justice engagés par le journal). Même Brinkema en est donc venu à soupçonner les intentions de l'église. Dans sa décision du 29 Novembre, elle écrit: "Lorsque RTC prit contact avec ce tribunal au début afin d'obtenir l'autorisation de saisie et l'ordre de restriction temporaire, la dispute fut présentée comme une affaire simple de violation de copyrights et de secrets commerciaux. Le Tribunal est néanmoins convaincu que les motivations essentielles de RTC étaient de faire taire la critique anti-scientologique de manière plus générale, et de harrasser ses critiques" Il est certain que les Internautes
rendus enragés par les tactiques de l'église n'ont jamais
douté du fait que son principal motif soit de détruire
des gens comme Erlich et Lerma. Que cela soit vrai ou pas, l'inimitié
qu'elle leur a inspiré et les jeux de cache cache internet qui
en ont découlé pour faire connaître ses secrets
ont largement déteint sur les procès Internet du Colorado,
de Virginie et de Californie.
Trois tribunaux, une seul point de vue: ce ne sont pas des secrets.
Les trois jours consacrés à "l'audition pour injonction prémiminaire" (moyen de faire ordonner momentanément quelque chose par le tribunal, ndt) ont clarifié certains des points pour Factnet. Après avoir entendu les témoignages de Warren Mc Shane, du spécialiste en ordinateurs de l'église, de Richard Cleek - le professeur de science informatique du Wisconsin, des anciens scientologues Robert Vaughn Young et Larry Wollersheim, le juge de district John Kane Jr a refusé la motion pour injonction préliminaire déposée par l'église dans une décision très nettement en faveur de Factnet. :"Le copiage des documents par les défenseurs n'est pas de nature commerciale, mais poursuit des buts non lucratifs. Il s'agissait davantage de faire avancer la compréhension des sujets concernant l'église, laquelle est l'objet de nombreuses controverses... On peut très bien considérer que ces messages ont été faits dans le but de critique, commentaire ou recherches tombant dans le champ de la doctrine d'usage convenable." Les matériaux Fishman postés
par le directeur de Factnet Arnie Lerma n'étaient pas davantage
des secrets commerciaux, selon Kane. Cleek ayant témoigné
qu'on pouvait les trouver sur Internet, Vaughn ayant aussi parlé
d'autres fuites de ces matériaux OT, Kane décida que les
"écritures "étaient largement connues hors de
l'église via de multiples sources", incluant des messages
antérieurs aux envois de Lerma, si bien, disait Kane, "qu'on
ne peut les considérer comme secrets". Des nouvelles du 15 Septembre encore pires attendaient les scientologues chez la Juge Brinkema, celle qui supervisait le cas Lerma en Virginie,: le style passionné de Cooley n'avait pas impressionné la Juge; elle était tout aussi courroucée par les déclarations émues sur la "sainteté" des écritures que par la bassesse des attaques sur la scientologie. Elle refusa directement la motion de l'église pour obtention d'une injonction préliminaire contre Lerma et Digital Gateway. En outre, elle déclara que l'église avait violé l'esprit de l'autorisation de saisie, la fit donc annuler et ordonna que le matériel confisqué soit rendu à Lerma. Tout comme Kane, Brinkema décida ensuite que les écritures de l'église n'étaient pas des secrets de commerce: "L'internet et les dossiers des tribunaux sont de simples entités du domaine public", dit-elle lors du jugement sommaire immédiat: "Quand l'information y pénètre et y reste pendant un temps suffisant - et l'on peut dire que 28 mois est une fameuse durée - elle est dès lors simplement reconnue comme publique." Quant à Ronald White, le juge
fédéral de San Jose, il se basa sur un raisonnement similaire
dans sa décision du 22 Septembre à propos du troisième
procès, celui contre Erlich et Netcom, signalant aussi que l'église
n'avait pas réussi à "prouver les mérites"
de ses plaintes de violation de secrets commerciaux. White écrit:
"Le défenseur Erlich dit que du fait que ces documents ont
été reçus de sources publiques, ils devraient perdre
leur protection de secrets commerciaux. Le Tribunal est... convaincu
que ces messages expédiés par Erlich provenaient de matériaux
déjà généralement accessibles au public".
Kobrin signale qu'aussi bien White
que Kane n'ont pris que des décisions préliminaires, et
que l'église espère toujours continer ces procès
pour violation de secrets commerciaux. L'avocat Lieberman de l'église
veut faire appel du jugement sommaire dans l'affaire Lerma. Mais il
est bien difficile d'imaginer comment - compte tenu du raisonnement
suivi par ces juges et compte tenu de la prolifération
des messages Internet après les procès entamés
par l'église - la scientologie serait jamais en mesure de consolider
son argumentaire pour les matériaux OT et l'affaire secrets commerciaux.
Selon Kelley, l'avocat de FACTNET, cela signifie qu'actuellement toute
personne peut légalement posséder ces matériaux
largement diffusés et même, peut-être, les citer
largement dans un contexte critique. Loi du Gibier de Potence contre
Usage Convenable
La décision du 19 janvier de la juge de Virginie, Brinkema, indiquant que Lerma a violé les droits d'auteur, eût pour effet une victoire scientologue lors du jugement sommaire; c'est probablement la plus grande victoire de l'église à ce sujet jusqu'ici. Elle achève le procès Lerma, qui pourrait être condamné à des dommages et des frais d'avocat.(Il a fait appel). L'église a embauché le poids lourd de la propriété intellectuelle - Hart, du cabinet New-Yorkais de Paul & Hastings, pour présenter son affaire de propriété intellectuelle efficacement. Tout au long du procès Lerma, les avocats des cabinets washingtoniens DCs Ross, Dixon & Masback et Faegre & Benson ont essayé d'arguer qu'étant donné que bien que Lerma n'ait pas fait de commentaires lors de ses envois des déclarations de Fishman, ses contributions au débat en cours sur alt.religion.scientology démontrent à l'évidence qu'il postait ces matériaux pour discuter et critiquer. Mais la juge Brinkema n'a pas été convaincue. (Tom Kelley, de Faegre & Benson a pris le rôle de conseiller principal à Lee Levine Ross, Ixon, lorsqu'il devint évident que l'assurance judiciaire d'un million de dollars de Factnet ne suffirait pas à mener de front les deux procès, en Virginie et au Colorado, du fait que les deux cabinets étaient impliqués). De même, il est significatif que Brinkema n'ai pas accepté la motion pour demande de jugement sommaire basée sur la conduite de l'église lors de la descente chez lui : Brinkema s'est excusée d'avoir émis un ordre excessif. En effet, l'audition du 19 Janvier montrait à quel point les choses pouvaient être faciles pour la scientologie: même Brinkema, qui avait auparavant fermé la porte au nez de l'église, fut très réceptive à une plainte bien ciblée sur les copyrights). L'église maintient que son but a toujours été de protéger ses copyrights et qu'elle y est donc parvenue. "Les juges qui ont publié les décisions dans ces procès ont déjà fait un travail énorme pour affirmer les droits des propriétaires des copyrights vis-à-vis de l'internet, assure le porte-parole scientologue Leisa Goodman. Et Kobrin d'ajouter: "L'effet de ces décisions est salutaire. Les messages illicites se sont bien calmés en effet. Ca devient vraiment téméraire de continuer à poster illégallement. L'église dit en effet ne pas avoir engendré beaucoup de controverse en raison de ses tactiques, et qu'il ne reste plus qu'une poignée de défenseurs acharnés responsables de tous les messages du printemps et de l'été 1995. En outre, dit-elle, même ces messages n'ont eu guère d'impact sur le secret des écrits de l'église. Des enquètes demandées par l'église à des instituts spécialisés ont prouvé que les secrets de l'église restent secrets. Mais pour combien de temps? Du fait
que les tactiques de l'église ont provoqué un telle quantité
de messages en violation des matériaux OT, du nombre de documents
qui sont aux mains d'internautes très virulents contre elle (Scamizdat
et d'autres), il s'est créé un désir évident
de violer les lois de copyrights. Ils n'ont même pas besoin de
filouter pour obtenir la déclaration Fishman, étant donné
que Brinkema a dit qu'il ne s'agissait pas d'un secret commercial; Tom
Kelley, l'avocat de Factnet, et Lerma, ajoutent qu'il semble qu'il soit
correct d'utiliser des matériaux Fishman en "usage convenable".
"ce qui signifierait que n'importe qui peut posséder les
matériaux Fishman et en faire usage convenable." Kelley va un peu vite en affirmant que ses clients n'ont jamais eu l'intention de violer les copyrights de l'église, et qu'ils n'aident pas les efforts croisés de la communauté Internaute pour faire apparaître ces matériaux secrets un peu partout. Il dit néanmoins: "Je pense que les scientologues ont trouvé leur maître avec les SCAMIZDATs du monde entier." ALISON FRANKEL http://alfa.ist.utl.pt/~dif/ic/courts/judges.htm BATTLES ON
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