SIMPLEMENT AVEUGLES OU REFUSANT DE VOIR?
Lavage de cerveau: mystification et suspicion

 


 

Note du traducteur: les auteurs de cet excellent texte ont certes une légère teinte chrétienne au cours de quelques uns de paragraphes de cet excellent texte, étant donné leur obédience; le texte reste néanmoins extrèmement clair et dénué de parti-pris, et scientifiquement plausible dans sa très très large majorité, car ce léger parti-pris n'a pas entamé leur analyse des faits, puisqu'il ne concerne vraiment que quelques paragraphes portant sur les méthodes permettant d'aboutir à faire cesser les abus sectaires.
Par ailleurs, pour des raisons personnelles, j'ai ajouté parfois des guillemets révélateurs de ce que je pense de certains des 'scientifiques' critiqués ici.

Roger Gonnet


extrait de la lettre d'une mère

un ancien adepte parle

qui a dit qu'on ne pouvait se fier aux "apostats"?

qui donc veut faire disparaître l'idée de "lavage de cerveau"

qui finance la "recherche" sur les nouveaux mouvements religieux"?

Extrait de la lettre d'une mère:
 

"Je suis une maman désespérée. J'ai perdu ma fille depuis dix ans dans une secte féroce. Les malheureux que nous avons rencontrés étaient complètement contrôlés... ils leur disaient que leur mère n'étaient que des démons leur transmettant des énergies négatives, ce qui empèchait toute introduction convenable à la vie de la secte. J'entends à peine parler de ma fille ici et là. Elle n'est jamais là lors des réunions de famille et n'appelle que lorsqu'elle a des besoins d'argent. Vous pouvez très bien vous imaginer la tragédie d'une pauvre mère; s'il vous plaît, faites quelque chose pour aider ces pauvres gens qui sont en danger et veulent vivre l'existence que Notre seigneur Jésus nous a donnée... J'ai peur qu'elle ne se suicide comme d'autres... faites quelque chose, je vous en prie, nous ne pouvons laisser ces enfants à la merci de leurs geôliers, d'assassins de la pire espèce... Je prie le Seigneur qu'il nous assiste pour aider tous ces enfants prisonniers de sectes meurtrières..."

Un ancien membre parle:

"... J'ai commencé à écrire une lettre d'adieu à mon guide spirituel. Chaque mot m'en coûtait une douleur folle, et il me fallait souvent m'interrompre à cause des larmes. Je n'ai pas réussi à le faire d'un seul trait, je suis revenu à plusieurs reprises à mon calvaire, bien mérité au demeurant. Je pensais au Bon Larron et espérais que Jésus me répondrait de la même façon. Quand je parvins à la fin de la missive, j'eus le sentiment d'être libéré... Le chemin avait été bien long, au cours de ces vingt années, mais c'est ce qui avait eu lieu... Ce que j'avais cru être le paradis n'était qu'un enfer peint en rose, au-dessus du mensonge... Je reprenais racine, je revenais à mes ancètres."

Depuis des années, tout ce qui fait qu'une personne est consciente et libre de ses actes m'avait été volé. Je reprenais les morceaux un à un, lentement et sûrement. Nombre de blessures ne se refermeraient pourtant jamais. Me libérer de ce que j'avais cru être la réalité mais qui n'était en fait que conditionnement  restait difficile: j'avais cru être élu, l'un des bienheureux choisis par l'Eternel... la sensation intérieure est délicate à décrire: cela ressemble à la fleur qui referait pousser ses pétales perdus après des mois sans eau, après avoir risqué la mort... Lorsque nous avions réalisé que nous étions dans une véritable secte, nous avons compris que nous ne pouvions continuer ainsi en prétendant que rien n'arrivait, comme d'autres membres l'avaient fait avant nous... Toutes mes craintes cédèrent l'une après l'autre et m'apparut alors de plus en plus clairement la gigantesque pieuvre diabolique, cette chose qui devait cesser d'exister, ou que nous devions dévoiler à la vue des autres: on ne peut se défendre contre un ennemi dont on ignore l'existence..."


Qui a dit qu'on ne pouvait se fier aux "apostats"?
 

D'après un courant actuel d'érudits des nouvelles religiosités, ces deux témoignages (le premier, d'une mère dont la fille appartient à un groupe occulte de magie, le second émanant d'un membre ayant quitté  un groupe pseudo-mystique) ne valent pas d'être examinés par ces savants en religions nouvelles. [NDT: il s'agit très clairement pout moi du courant CESNURien de Massimo Introvigne et du courant MELTONien de même obédience aux USA]

Dans le premier cas, avec tout le respect dû  à la personne impliquée, il s'agirait de "l'attitude typique d'un parent bouleversé par le choix de sa fille, choix ne correspondant pas aux goûts du parent: celui-ci diaboliserait donc la secte, source de tous les maux. Cette attitude existe bien sûr au sein des familles de membres des "Nouveaux Mouvements Religieux" ou "NMRs", mais ne peut être généralisée.

Si l'on considère la souffrance d'une mère (très apparente par le ton dramatique voire aggressif du témoignage) qui n'arrive plus à reconnaître sa fille, qui a perdu le contact émotionnel avec elle, qui la voit souffrir humainement et spirituellement parlant, nous ne pouvons nous contenter d'affirmer que "les jeunes gens font souvent des choix différents de leurs parents."

Chaque cas devrait être examiné individuellement. Bien qu'il soit exact qu'il y a toujours eu des cas où l'autoritarisme des parents intèrfère avec la vie spirituelle des enfants, et ne respecte pas le choix délicat de  spiritualité de ces derniers, il est néanmoins vrai qu'il existe des cas de jeunes et moins jeunes personnes entraînées vers un esclavage pseudo-psychologique dans certaines organisations se dénommant elles-mêmes "religions" - dans leur propre intérèt.

Ceux qui connaissent le sujet rencontrent aussi des cas de jeunes gens qui, après des difficultés et hésitations, et en rendant grâce ensuite à leurs parents, réalisent que le groupe qu'ils avaient rejoint n'était pas ce qu'ils avaient cru au prime abord. Dans ces cas-là, la personne quitte le groupe librement, l'aide et le support des parents étant toutefois indispensables. Il nous faut donc éviter de nous prononcer d'emblée, et nous en tenir aux faits. Parfois, ceux-ci ne confirmeront pas les craintes des parents, mais d'autres fois, ce sera nettement le cas.

Dans le second extrait, nous sommes en présence d'un ancien membre dénonçant "l'emprisonnement psychologique" qui l'a enfermé au sein du groupe. Pour le courant de pensée précité, ce témoignage ne vaut rien non plus, puisque cet individu serait vindicatif envers le groupe auquel il appartenait. Puisque cet ancien membre veut dénoncer les "atrocités" vécues dans ce groupe, selon les 'savants' ici visés, il s'agirait d'un cas "d'apostasie", c'est à dire que l'individu serait, selon eux, désireux d'entamer une guerre personnelle contre le groupe en question, pour des raisons ou intérêts individuels, ou parce qu'il appartiendrait à un "mouvement anti-sectes".

Alors, puisque la fiabilité de ces témoignages a été préjugée, vers qui nous tournerons-nous pour connaître la réalité simple, factuelle, objective au sujet d'une secte ou d'un NMR, si l'on suit ces théoriciens?

Au mouvement lui-même, bien sûr, qui sera très heureux de coopérer avec ses propres adeptes pour donner des entretiens, en usant de ses propres références pour l'étude de la doctrine, et de tout autre moyen spécifique à une étude 'scientifique' réussie!

Quelque chose serait-il déplacé ou illogique dans cette charmante idée d'aimable concordance? Demandons-nous en premier lieu s'il est scientifiquement convenable d'étudier un mouvement d'après ses propres sources et les documents qu'il fournirait?

Est-ce vraiment possible que nos savants érudits ne soupçonnent jamais l'authenticité des études fournies par ces mouvements? Et si ceux qui ont quitté le groupe en emmenant des documents authentiques et en se servant de preuves, avaient aussi quelque chose à dire? Pourquoi ces "apostats" ne seraient-ils pas fiables? Quel dogme philosophique sous-tend ce dogme-là? Et où est la preuve que tous les apostats soient liés à des mouvements anti-sectaires?  Et même si c'est parfois le cas, est-ce la seule appartenance à un groupe de ce genre qui leur ferait perdre toute valeur humaine, au point qu'on ne puisse les croire même s'ils présentent les preuves?

Autrefois, quelqu'un a dit "les juifs sont avares".  Pourquoi, lui demandait-on? "Parce qu'ils sont juifs." Ici, nous pourrions dire: "les apostats sont tous menteurs et menés par l'esprit de vengeance, ils travaillent à détruire la liberté de religion. Pourquoi? Parce qu'ils sont apostats!

Il est triste de constater que les préjugés contre ces catégories de gens soient propagées par des 'savants' des 'nouvelles religions', savants connus et respectés de par le monde. On s'attendrait à meilleure objectivité, daprès lidée évidente que'il faille considérer chacune des variables et ne pas jamais user de préjugés, lorsqu'on étudie un phénomène.

Il est heureux de constater que tous les savants  ne partagent pas cette attitude. Citons le Professeur B. Zablocki, professeur au Département de Sociologie de l'université Rutgers, ayant étudié les NMRs depuis quelques 30 ans; il dit" avoir visité des centaines de communautés et discuté ou interviewé plus de mille ex-membres de ces groupes. J'en ai trouvé assez, dit-il, pour exprimer leurs expériences et me convaincre de l'existence d'une arme sur le modèle de lavage de cerveau. certains de ces membres affabulaient probablement ou mentaient, mais il est plus qu'improbable que c'éiat toujours été le cas. La plupart ne désiraient pas affuter particulièrement leurs armes, et la majorité n'avait aucun lien avec des associations anti-sectaires. [1]

Ce même auteur dit "Puisque nombre d'apostats des NRMs furent  sources de preuve du lavage de cerveau, une campagne tendencieuse commença afin de définir le rôle tenu par l'apostat, campagne destinée à promouvoir l'idée que ses témoignages ne méritaient pas la confiance. Au lieu de laisser la valeur des témoignages d'apostats être jugée empiriquement, on tenta alors de la cadrer 'par définition' , c'est à dire d'expliquer qu'ils suivaient tous les idéologies de quelque groupement opposé, habituellement une organisation de lutte anti-sectaire.[2]

Ces réflexions amènent quelque baume losrqu'on pense à l'état de la recherche dans le domaine des NMRs, et ce, malgré l'usage du terme "apostat" pour définir les anciens membres ayant quitté une organisation dans des circonstances si dramatiques et qui deviennent ensuite ennemis;d'après le dictionnaire Devoto-Oli un apostat est "une personne qui nie sa propre croyance, qui quitte volontairement sa religion ou son état ecclésiastique." Du grec "apostates, une personne ayant commis l'action de s'en aller." Le groupe qu'ils ont quitté et dont ils disent avoir été les marionnettes  les appele "traîtres" , si bien qu'ils auraient perdu leur capacité à faire un libre choix. [ traduction en rouge en cours de vérification, ndt]

Il est vrai que les gens s'en allant ne partent pas tous dans des circonstances dramatiques, ni qu'ils ont toujours de mauvais souvenirs du groupe. Certains reconnaissent certes avoir de bons et de mauvais souvenirs. Il est vrai aussi que fort peu dénoncent les "injustices" subies.

Le fait qu'on aperçoive moins souvent les ex-membres que les autres ne signifient pas pour autant qu'ils soient des exceptions. cela pourrait aussi signifier que d'autres anciens membres pouvant aussi témoigner sur les mêmes bases, ne le font pas pour des raisons diverses.

Il est fréquent que d'anciens membres ne veuillent pas discuter pour les raisons que voici:
 

 

1) la crainte due au fait qu'il reste au sein du groupe un parent avec qui on vit encore et qu'on a peur de perdre une fois pour toutes, ou que l'on espère "récupérer".
2) Le chantage sous diverses formes, émotionnelle ou financière.
3) La honte d'avoir été impliqué dans des activités pas vraiment "transparentes" losrqu'on faisait partie du groupe
4) Une réaction psychologique de rejet total de l'expérience achevée, ressentie comme tout à fait étrangère à soi; dans ce cas, un mécanisme de défense décide de ne plus jamais discuter de son passé.
5)  Lorsqu'ils sont impliqués, les mineurs ne sont pas toujours en mesure de témoigner convenablement d'abus psychologiques ou physiques qu'ils ont pu subir.
6) Une phobie avec laquelle on part du groupe, en supposant que si l'on ne garde pas les secrets, on risque de souffrir de "désastres et désagréments".
 

Qui peut juger si le silence de la majorité des ex-membres est plus fiable que les témoignages plus dramatiques d'une minorité "d'apostats"?

Qui peut décider que les "apostats" seraient de "mauvais" anciens membres, alors que tous les autres seraient de "bons" anciens membres?

Peut-on, partant d'un faible pourcentage étudié vite fait, généraliser les résultats à tous les groupes et toutes les situations?

Qu'en est-il aussi de l'affirmation selon laquelle les "apostats" poursuivraient en justice les groupes dont ils faisaient partie dans le seul but de se faire accorder des dommages et intérèts, ou pour faire de la publicité à leurs histoires et publier leur autobiographie pour de l'argent? Qui peut donc établir les intentions de ces gens? Est-ce que les "apostats" ne pourraient décider de témoigner ou de demander une indemnité, ou d'écrire un ouvrage, tout simplement parce qu'ils considèrent qu'il s'agit d'une action utile pour l'humanité?

On pourrait dans ce cas dire la même chose à propos de malades décidant de poursuivre le médecin qui, selon eux, a provoqué la mort de leur enfant en raison de négligences: certes, ils demandent réparation financière, mais est-ce avant tout pour s'enrichir, ou parce qu'ils croient que ce n'est que justice face à la personne qu'ils ont perdue, et parce qu'ils désireraient que le médecin ne réïtère pas ses errements? En terme de principes, pourquoi cette notion ne s'appliquerait-elle pas aux "apostats"? [ndt: Et pourquoi les tribunaux accorderaient-ils, quelle qu'en soit la raison, des dommages et intérêts à des gens lésés, lors d'un accident de la route par exemple?]

Lorsque la conscience d'une personne est engagée, l'universitaire ferait mieux d'incliner pieusement la tête et de déclarer que la tâche est pour Dieu, et non pour lui. Si l'on enquète sur les actions d'une personne, ce sera particulièrement ardu d'établir les raisons véritables qui la font agir. Ce raisonnement est tout aussi exact pour les membres et les leaders des "Nouveaux Mouvements Religieux". [ndt: et tout aussi difficile, entre nous, pour les leaders de mouvements comme le CESNUR]. Alors que l'on peut critiquer leurs actions, déclarations et doctrines, nul ne peut juger de leurs intentions. [je ne partage pas entièrement cette opinion, car certaines intentions des leaders et fondateurs de NRMs deviennent, dans quelques cas, parfaitement évidentes à l'étude approfondie de leurs principales activités, ndt] Il est vrai que l'histoire humaine est emplie d'exemples de gens ayant énormément fait de tort aux autres alors qu'ils croyaient bien faire.

Nous croyons voir ici une tendance à trop d'indulgence envers les mouvements concernés, jointe à une "férocité" excessive envers les prétendus "apostats", quoique ces derniers ne nient jamais - lors de pénibles confessions - avoir eux-mêmes commis de graves erreurs.

L'observation de la nature complexe et délicate de l'affaire nous mène à présumer qu'il serait nettement préférable d'en revenir à une certaine objectivité, puis de formuler quelques hypothèses de recherche dénuées de préjugés, en nous servant de méthodes d'enquètes diversifiées.

Qui donc veut faire disparaître l'idée de "lavage de cerveau"?
 

Que trouve-t'on en arrière-plan de cette affaire? Qu'appelle-t'on couramment "lavage de cerveau"? Cette expression imaginée par Hunter n'est de nos jours qu'une métaphore, qui, à l'instar de toutes les métaphores, exprime une notion complexe en utilisant une image.

Certains se scandalisent à la seule mention de l'expression en question; d'autres, comme B. Zablocki, ne craignent pas d'en user car "il peut s'agir d'un des termes les moins bien compris, mais j'y vois un avantage, car l'usage du terme nous pousse alors à tenter de comprendre ses zones d'ombre plutôt qu'à vouloir les éviter par des astuces linguistiques..."[3]

Ce n'est pas tant la métaphore en soi qui provoque tant de méfiance chez les universitaires, mais ce qu'elle recouvre. Le fait d'admettre qu'une forme de conditionnement  mental puisse être utilisé envers les membres d'un NMR fait partie de ces monstres à exorciser pour parvenir à tout prix au noble but de défense des libertés religeuses.

Nous partageons tout à fait les buts des défenseurs de la liberté de religion,  mais pas à n'importe quel prix, pas au prix d'ignorer le viol de droits tout aussi importants : les droits de l'homme. Il nous faut d'abord établir ce qu'est une religion, et , à l'opposé, ce qui n'est que mystification, exploitation, abus de crédulité, etc., mais ces sujets exigeraient une enquète très approfondie et ne font pas partie du but de cet article.  Zablocki écrit:" ... je suis convaincu, en me fondant sur plusieurs décades d'étude des NMRs, grâce à l'observation de participants, à des entretiens avec des membres et ex-membres, que ces mouvements ont libéré des forces sociales et psychologiques dotées de pouvoirs terrifiants. Ces forces ont naufragé quantité d'existences d'enfants ou d'adultes. Ce sont ces processus d'influence sociale et psychologique que les scientifiques du domaine social ont le droit et le devoir de comprendre, que cela risque ou pas d'aboutir en fin de compte à défendre la cause de "liberté religieuse". [4] Il conclut alors:"...l'important fait social ne devrait pas être de déterminer si le lavage de cerveau existe ou non mais plutôt s'il se produit assez souvent pour pouvoir être considéré comme un problème social essentiel".[5]

Cet universitaire suggère cependant de limiter l'étude du phénomène non point aux méthodes de recrutement utilisées par ces groupes, mais au processus qui rend leur abandon extrèmement difficile et qui continue à conditionner les adeptes même après qu'ils soient partis: "Se produit-il quelque chose qui crée mentalement chez la personne une sorte prison socio-psychologique sans gardiens ni murs?"[6]

Ces suggestions peuvent sérieusement aider les universitaires à éviter de confondre idéologie, philosophie et culture avec  approche scientifique. Pourquoi devrions-nous nier toute possibilité que certains groupes, dans certaines conditions, dépendant aussi de la personnalité de l'adepte, puissent réellement pratiquer une forme de conditionnement mental? Comment expliquer sans cela des cas de suicides collectifs, des maladies mentales récurrentes au sein de gens ayant pratiqué dans ces gorupes, ou la raison pour laquelle des gens "réputés normaux" pourraient croire des choses  vraiment absurdes et inimaginables, et continuer à les croire en dépit des preuves qu'elles n'existent point?

Certains tentent d'expliquer ces "épisodes" en disant qu'il s'agirait de "déviations" chez certains membres; mais cela n'a pas de rapport avec des cas de suicides ou de violation des lois. Ou alors, on tente de prouver que le groupe visé serait en fait politique et non point "religieux", ce qui paraît-il, changerait les données.

En dehors du fait que le conditionnement mental puisse effectivement se produire dans des groupes politiciens, et y présenterait d'ailleurs les mêmes caractéristiques, prenons l'exemple du suicide de plus de 900 membres à Jonestown, en Novembre 1978. Certains prétendent qu'il ne s'agissait pas d'un suicide de nature religieuse, mais d'un mouvement politique révolutionnaire. Hélas pour eux, on a  l'enregistrement de la voix de Jim Jones, demandant à ses adeptes de boire la potion et de la distribuer aux enfants.

Voici une traduction des paroles de Jim Jones:

"...je suis épuisé, j'ai fait de mon mieux pour vous fournir une vie meilleure. J'ai choisi ma façon de mourir. Je suis fatigué d'avoir en mains la vie de toutes ces autres personnes. J'ai sacrifié mon existence, je suis mort chaque jour pour vous donner la paix. Si nous ne pouvons vivre en paix, mourons alors en paix. Dieu l'a dit. J'ai tenté d'éviter que ceci se produise, mais je considère désormais que c'est Sa Volonté. Nous ne commettons pas un suicide, c'est une action révolutionnaire; n'ayez crainte de mourir. Nous allons voir des gens atterrir ici. Ils vont commencer à torturer nos enfants, nos vieillards. Combien sont morts? O mon Dieu, Mon Dieu Tout-Puissant, c'est la seule manière de partir. Finissons-en, finissons-en, nous devons mourir avec un peu de dignité. Garçons et filles, c'est l'heure d'entrer en sommeil. O mon Dieu, maman, maman, maman..."

Nous respectons trop les  lecteurs pour ajouter un commentaire. Chacun, même s'il n'est pas expert, peut ici voir s'il s'agit ici d'un chef de "mouvement religieux" ou d'un révolutionnaire politique.

 On peut regretter amèrement les tentatives faites pour minimiser de semblables incidents et amoindrir leur gravité. Hélas, même les actes assassins de la secte Aum Shinri-Kyo au coeur du métro de Tokyo ont fait l'objet de ces "tentatives de minimisation" de la part de certains universitaires du religieux, qui s'élevèrent pour protester contre la pesécution du groupe dirigé par Shoko Asahara.

Voici ce qu'en dit le psychologue de l'université d'Haïfa, Benjamin Beit Hallahmi, qui, après avoir décrit l'attentat au gaz sarin du 20 mars 95 à Tokyo et les 13 morts et milliers de blessés qui en résultèrent, déclare: "Selon des rapport divers des médias, quatre américains arrivèrent à Tokyo pour défendre Aum Shinrikio contre les accusations de terrorisme de masse. Deux d'entre eux étaient des universitaires des NMRs. D'après les médias, ils prétendirent qu'Aum n'avait pu produire les gaz utilisés lors de l'attaque, et ils en appelèrent aux autorités policières afin "qu'elles ne détruisent pas une religion et la liberté religieuse" (Reid, 1995, Reader, 1995)[7]

L'auteur affirme également que les autorités japonaises avaient été plutôt négligentes vis à vis d'AUM auparavant, justement parce qu'il s'agissait d'un NMR. L'auteur se plaint de l'attitude ostensiblement favorable de ses collègues et dit que non seulement cette attitude concerne AUM, mais qu'elle se produit constamment chez les spécialistes de NMRs, ce qui lui paraît déplorable. [8]

  Dans le "The Cult Observer",   Michael Langone déclare sur ce même sujet, que "les universitaires américains Gordon Melton et James Lewis sont allés au Japon...  ... et que lorsqu'on a su que leurs billets avaient été payés par AUM, leur visite cessa d'être bien acceptée."[9]

On devrait ajouter ici qu'en fait, lors de l'ouverture de la conférence de presse tenue au Japon, J. Gordon Melton indiqua que ses frais de voyage lui avaient été réglés par AUM, mais qu'il ne touchait rien en honoraires. [10]

Qui que ce soit qui l'ait annoncé, les faits demeurent et parlent d'eux-mêmes. Tout autre commentaire serait ici superflu.

Nous tenons à faire observer que ce type de tragédie nous pousse, et devrait tous nous motiver à chercher une explication possible à ce phénomène et à trouver des moyens d'empècher qu'il ne se repdoduise.

Il faut regarder les choses en face et se servir de nos aptitudes, en n'évitant aucune observation, lorsque la sécurité d'êtres humains, et le bien-être physique, spirituel ou psychologique d'autrui en dépendent.

Pour en revenir à ceux qui cherchent à comprendre et à enquèter sur ces domaines honnètement et sans préjugés, nous avons trouvé que l'une des propositions de M. Zablocki était de grand intérèt. Il dit que la notion de "lavage de cerveau" devrait être redéfinie et traîtée comme n'importe quelle autre notion de psychologie sociale. L'idée même de "lavage de cerveau" n'indique pas que les gens ne soient plus en mesure de choisir librement, mais ils choississent librement sur ces bases de valeurs différentes et entièrement restructurées selon le point de vue du groupe et de son chef. Zablocki maintient qu'il existe une séquence d'évènements que l'on peut observer dans la notion de "lavage de cerveau", laquelle peut perdurer des années durant. "Cette séquence visible et nette est constituée de quatre étapes: 1/ affiliation; 2/ modification du style de vie; 3/ désaffiliation  et 4/ désanchantement.[11]

L'hypothèse principale qu'il soutient est que dans certaines circonstances, une personne peut subir certaines formes de persuasion pouvant transformer ses valeurs de référence et la notion de son identité personnelle. C'est là une forme particulière de persuasion utilisée au sein de groupe fortement cohérents, contrôlant entièrement l'environnement de l'individu, et se servant de tension et désorientation pour exercer cette influence.

Les spécificités de cette forme de persuasion existent même lorsque l'individu a quitté le groupe, ainsi que dans la terreur de l'abandonner ainsi créée, comme si la vie même de l'individu dépendait de son appartenance au groupe. Bien que ces aspects soient très faciles à observer, il n'existe aucun motif permettant d'affirmer qu'ils soient présents ou exercés au même degré au sein de chaque groupe. Certains individus sont d'autre part bien plus difficiles à conditionner, car le processus variera d'un individu à l'autre

Zablocki pense aussi que selon lui, "le lavage de cerveau restera probablement toujours un phénomène relativement rare du fait de la difficulté d'atteindre un très fort degré de contrôle du milieu et de l'influence charismatique nécessaire pour qu'il devienne efficace. [12]

Nous pensons qu'il faut établir le degré de conditionnement d'une personne avant de pouvoir parler de lavage de cerveau. Cette obligation de définir le degré vient du fait qu'il existe plusieurs niveaux de conditionnement au sein de ces mouvements ainsi que des formes diversifiées de sensibilité et réaction de la part des individus soumis aux stimuli environnementaux. Zablocki pense que le "lavage de cerveau" est relativement rare, en se basant sur ses expériences et sur une classification qu'il a établie. C'est encore plus diificile de déterminer ce degré lorsqu'on a affaire aux enfants ou très jeunes enfants, ou face à des gens ayant des problèmes psychologiques - une catégories fréquemment recontrées au sein de NMRs, non plus suite à leur choix, mais en raison de la responsabilité prise par d'autres.

La controverse à propos de l'existence, de la fréquence et de l'intensité de la manipulation mentale au sein de NMRs fit également l'objet de Commissions de divers parlements européens, certains des rapports ayant été faits après les récents  suicides de masse.

Cela vaut la peine de rappeler ici que M. INTROVIGNE annonçait, après le rapport belge du parlement: [retraduit de l'anglais, ndt] "Cette Commission dit 'avoir pris bonne note de la division du monde académique' et avoir décidé des choix 'sur la base de pourcentages et en particulier après avoir entendu des douzaines de victimes, la Commission en est arrivée à la conclusion qu'elle ne pouvait partager les conclusions du groupe de sociologues des religions, car ce dernier sous-estime manifestement les risques potentiels posés par les organisations sectaires, en raison d'une approche unilatérale adoptée par ces sociologues.' En particulier, les sociologues du CESNUR nient l'existence de 'manipulation mentale' alors que cette commission a reçu de nombreux témoignages en la matière' l'ayant convaincu que la vérité se situait à l'opposé. La Commission a par ailleurs pris la liberté d'informer les sociologues puisqu'elle "déplore que les conclusions de ce type d'analyse au sujet des "NMRs" aient été publiés sans étude approfondie. D'un point de vue éthique, il est fortement discutable de considérer une organisation sectaire comme étant un Nouveau Mouvement Religieux. (...) Ce type d'analyse ignorant l'un des aspects de la réalité s'achève en justifiant jusqu'à un certain point les organisations sectaires dangereuses. Il a pour résultat de leur donner carte blanche ou tout au moins de leur permettre d'accomplir leurs activités plus facilement."[13]

Nous trouverons une seconde mention de l'attitude de la Commission envers le CESNUR dans un article de Julien Ries :"La Commission a sévèrement réprimandé le premier goupe, le CESNUR, d'avoir publié un ouvrage "Pour en Finir avec les Sectes" où 22 auteurs discréditent le "rapport de la Commission d'Enquète de l'Assemblée Nationale française', jugé comme 'non-scientifique' puisqu'il ne fournirait pas de justification morale de nombreuses représentations d'organisations cultuelles durant les enquètes bruxelloises', en raison de son support aux NMRs."[14]. Le rapport parlementaire belge a été sévèrement critiqué pour avoir inclus dans son étude certains groupes catholiques "orthodoxes" dans sa liste de 189 mouvements sectaires. Ceci a servi à quelques opposants à alarmer l'opinion publique en disant à peu après: "Catholiques, attention, si nous approuvons les méthodes de la Commission du Parlement belge, - laquelle accepte les témoignages des 'apostats', certains groupes catholiques seront également étiquetés de 'sectes'".

Voici qui créerait bien sûr, avec raison, un choeur de protestations au sein du monde catholique, si bien que des croyants commenceraient à adopter les mêmes positions de méfiance à l'égard des 'apostats' et associations 'anti-sectaires' constituant une ressource possible d'aide pour tenter de récupérer les adeptes de ces genre de 'sectes.' Ceci conduirait à une nouvelle croisade d'opinion que nous croyons tout à fait déplacée dans ce contexte.

 Nous pensons que ces risques ont existé, existent et existeront: le rapport du parlement belge du 28 avril 1997 inclut en effet dans sa liste de 189 mouvements certains mouvements d'obédience catholique, ainsi qu'une note importante: " ... cette liste n'exprime aucun jugement ou prise de position de la part de la Commission; il faut étudier davantage ces groupes et tenir constamment à jour  la liste. Cependant, page 209, le texte indique que la Commission a réussi à se mettre d'acoord sur une liste de 189 mouvements "pouvant appartenir à l'une des trois catégories délimitées dans le cadre définitionnel" , c'est à dire: 1°/ sectes et nouvelles religions ne présentant pas de danger; 2/ secte ou nouvelle religion présentant des risques pour les individus et la société, et 3/ associations criminelles. La Commission admet, en d'autres termes, avoir mélangé les groupes, en laissant toute liberté aux personnes et organismes d'ajouter à cette forme de classement". [15]

Certains des 189 mouvements - incluant aussi quelques groupes catholiques - ne sont pas classés dans l'une des catégories choisies par la Commission, qui se refusait manifestement à prendre la responsabilité de mettre par écrit une opinion sur leur dangerosité. Le fait que ces groupes catholiques soient mèlés avec des groupes vraiment dangereux amena des protestations de la part d'évèques. Le Parlement approuva finalement le rapport en décidant de ne pas mettre la liste incriminée au sein du rapport prorement dit, mais en annexe.  [16]

Nous croyons que ceci suffit à prouver qu'il n'est pas vrai que le Parlement belge ait placé l'Opus Dei et d'autres groupes catholiques parmi les sectes dangereuses.  C'est donc une manipulation des faits que faire porter le chapeau à des "apostats" et "mouvements anti-sectaires", ou sur qui que ce soit croyant que le lavage de cerveau existerait, car ces groupements catholiques n'étaient pas visés. [ndt: j'ajouterais pour ma part que les récents ou moins récents développements d'affaires entourant des organismes intégristes, pas nécessairement l'Opus Dei, qu'ils soient catholiques ou d'autres obédiences, me paraissent de nature suffisamment grave dans quelques cas pour classer, en dépit d'obédience supposée catholique, ces groupes parmi les sectes, mais cette opinion n'engage que moi].  Si la Commission a établi cette liste, c'est en raison des témoignages et de preuves censées crédibles.: en tout cas, lorsqu'on nomme une commission de ce type après un massacre comme celui du Temple Solaire, le moins qu'on puisse faire est d'entendre les gens qui sont victimes, et les états ont pour devoir d'enquèter sur la dangerosité de ces groupes. Le fait que la Commission s'exprime en termes généraux en ne classant pas les groupes au sein des trois catégories élaborées, méritait toutefois la critique puisqu'il ajoute une confusion dans ces trois catégories: ceci n'autorise pas pour autant qui que ce soit à utiliser l'argument de manière fallacieuse pour aiguiser sa hache de guerre.

Nous pensons qu'un commentaire doit être fait: l'église catholique n'est certes pas une secte, puisqu'elle n'en a aucune des caractéristiques, même lorsque l'expérience religieuse est intensément vécue. il est néanmoins impossible de nier qu'au cours de son long passé, on y a constaté des déviations marginales, doctrinaires parfois, et des groupements sectaires, actuellement appelés pseudo-catholiques". Les évèques ont fréquemment entrepris des actions, parfois contre des prètres, ou des membres de certains ordres religieux, ou contre d'autres évèques s'étant égarés hors de la doctrine générale.[ndt: il est impensable d'oublier aussi qu'à certaines périodes, l'église catholique fut dotée de plusieurs papes, donc, de plusieurs "dogmes officiels"]

Qui pourrait  nier que dans ces dissidences, il y ait eu nombre de "sectes" plus ou moins importantes, usant de méthodes de manipulation lors du recrutement et d'endoctrinement similaires à d'autres "sectes"? Les pasteurs eux-mêmes ont souvent prèché leurs ouailles de ne pas se laisser aveuglément duper par des prophètes, "saints hommes" ou illuminés prèts à obscurcir la foi authentique de l'église vis à vis du Surnaturel au moyen de fanatisme et de sectarisme. Il nous faut avouer que l'église est sainte et sans tache et entreprendre toutes actions pour ne pas faire l'autruche, mais observer , informer, et aider ceux qui seraient subjugués par des déviances. [ndt: il va de soi que ceci n'engage que la foi de l'auteur en sa propre religion, et que ceci ne devrait pas être pris comme une affirmation d'exactitude d'une religion quelle qu'elle soit par rapport à d' autres; néanmoins, le contexte de cette partie de la démonstration permet en effet à ses auteurs de faire ici cet aparté, ndt]

Cela ne signifie pas, pour un croyant, [ndt: j'ai accentué "pour un croyant"] user d'emprisonnement, menaces, kidnapping, rapt ou chantage, en forçant ceux qui se tromperaient à revenir vers la foi authentique. Cela signifie engager un dialogue respectueux et dire clairement la vérité à la personne, en l'avertissant des graves conséquences possibles de ses choix présents ou à venir. La personne choisira ensuite librement , ses coréligionnaires ne pouvant que prier et espérer que l'évangile lui communique une plus forte détermination et un plus grand courage.

C'est possible que certains trouvent qu'il y a ici un refus de la liberté de religion dans ces mots; nous croyons quant à nous qu'il s'agit d'une forme de "correction fraternelle" dont le Christ parle dans l'Evangile.

On doit user de la même sorte de charité, sous une forme différente, pour tous ceux qui, même hors du monde catholique, sont impliqués dans des groupes et mouvements de diverses sortes au sein desquels on pourrait rencontrer le "lavage de cerveau". Si cette notion est interprétée et utilisée sous sa forme équilibrée, de façon modérée et en respectant autrui, elle peut aider à mieux saisir la dynamique interne de certains NMRs. Il ne nous paraît donc pas décent ni honnète de chercher à enterrer la notion elle-même pour pouvoir justifier des abus des droits à la liberté humaine existant dans ces groupes.

Selon Zablocki, c'est ce que nombre de ses collègues ont fait: la notion de lavage de cerveau a été maniée sans respect , déclarée coupable et ignorée sans même un procès scientifique. Zablocki a nommé ce traîtement injuste "blacklisting" (Mise à l'index, mise en liste noire, ndt)  [17] ; il prétend que la plupart des universitaires n'a pu réfuter sa théorie, qu'ils l'ont simplement balayée sous le tapis. D'autres s'en sont servi devant les tribunaux en la déformant, amenant d'autres préjugés de la part des univesitaires désirant faire des recherches sur le phénomène , et accusés ensuite - pour cette unique raison - de faire partie de "mouvements anti-sectaires".

Nous avons personnellement constaté cette fâcheuse habitude simpliste, injuste et irrespectueuse d'étiquetage des autres. [ndt: j'ajouterai ici et sans honte qu'en ce qui me concerne, sachant que mes textes sont la plupart du temps lus par des lecteurs non experts, je ne me gène pas pour pratiquer ce même défaut d'étiquetage parois simpliste, il est vrai; que je et le fais de façon irrespectueuse pour une raison tout aussi simple: je ne respecte guère les intolérants et les malhonnètes intellectuels qui n'observent qu'une face des choses et veulent, pour des raisons souvent obscures -  ou trop évidentes pour moi - aider des gourous dangereux aux motivations perverses ou très différentes de leurs effets d'annonce]

En raison même de son usage abusif et répété et de la façon vague dont certains sont étiquetés "anti-sectes", le qualificatif a cependant perdu son pouvoir, ce qui se produit souvent lorsqu'on abuse d'un terme.

On peut dire la même chose quant au terme "déprogrammation": il est certain que des méthodes violentes ont parfois été utilisées par le passé et qu'on a kidnappé des gens pour leur faire abandonner des groupes supposés religieux. L'usage de ces méthodes est une autre forme pratiquée du lavage de cerveau, tout aussi inacceptable et injurieuse pour la liberté individuelle.

Mais sans chercher aussi loin, on trouve aussi des gens qui, tout en refusant totalement la "déprogrammation" croient que certaines organisations 'religieuses' appliquent à leurs adeptes un certain niveau de conditionnement. On pourrait d'ailleurs du coup demander à ceux qui ne croient pas au lavage de cerveau comment ils qualifieraient ce que pratiquent les déprogrammeurs? Comment peut-on accuser ces déprogrammeurs d'user de techniques coercitives  si ces techniques ne sont pas censées possibles? Quelle sorte de théorie scientifique est-là, qui répondrait qu'un phénomène n'existe que lorsqu'on l'applique à une certaine catégorie de gens - ici les déprogrammeurs?

Si le "lavage de cerveau existe, il existe, qu'on l'applique aux leaders charismatiques ou aux déprogrammeurs; s'il n'existe pas, on ne peut accuser qui que ce soit de le pratiquer.

On pourrait objecter que les déprogrammeurs usent du kidnapping, alors que les adeptes rejoignent les mouvements librement. Nous croyons que cette méthode d'affiliation que Zablocki estime sans grande importance pour définir le terme de "lavage de cerveau" mérite toutefois un commentaire.

S'il était vrai que le fait de rejoindre un groupe ait toujours  lieu en respectant la liberté de l'individu, nous serions certes d'accord avec cette approche. Mais les choses ne se passent pas du tout ainsi. Voici quelques exemples concrets:

1) Une personne cherchant un emploi aboutit dans une agence d'emploi, où on lui fait subir des 'tests d'aptitude' en vue d'un emploi. S'il s'est en fait fourvoyé sans le savoir dans un groupe 'psycho-religieux', il peut s'en aller, mais que se passe-t'il si son conditionnement a déjà commencé, qu'il ait déjà subi certaines pressions, et ressente déjà certaines émotions? Pouvons-nous dire qu'il rejoint ce groupe librement? Et si tout ou partie des doctrines lui est caché et ne lui sera révélé par les leaders que quand on l'estimera prèt? Pouvons-nous dire que la personne est toujours libre au moment de son choix, si elle ignore ce qui l'attend ensuite?

2) L'étudiant souffrant de problèmes lors de cours en langues étrangère reçoit une invitation d'une 'église' lui promettant des cours de la part de professeurs dont c'est la langue maternelle. Il y va, et se retrouve peu après avec des textes "étranges" présentés dans cette langue, qui lui racontent la vie du fondateur d'une religion, la façon dont il a eu sa "révélation"; puis les enseignants lui chantent les vertus du personnage, disant être de ses adeptes. Si cela se poursuit par des invitations à des services religieux, à des prières, ne serait-il pas acceptable de dire que la personne a approché le groupe pour des motifs tout à fait différents, puis qu'on l'a gentiment (sans la kidnapper) aiguillée ailleurs?

3) Un Chrétien établit des relations avec un "missionnaire" amical qui lui offre une aide pour étudier la Bible. Il pourrait vouloir accepter pour approfondir ses connaissances et sa foi. Mais si la fameuse "Bible" étudiée n'est pas du tout la Bible, et que la personne n'a pas les moyens de s'en rendre compte? Si les altérations du texte la poussent à abandonner sa propre religion pour embrasser celle que lui tend le "missionnaire", peut-on toujours prétendre qu'elle embrasse cette religion librement et en toute connaissance de cause, ou ne serait-il pas mieux adapté de dire qu'elle a été trompée?

On pourrait ajouter ici d'innombrables exemples. Ce qui nous conduit à penser que le "kidnapping" peut prendre bien des formes. Certaines d'entre elles sont illégales et punissables; hélas, d'autres ne le sont pas. [ndt: je crois pouvoir ajouter ici que la méthode allemande consistant, dans le cas de la scientologie, à  contraindre la secte  à suivre les règles et lois commerciales mettrait fin à ce type d'approche: les sectes seraient en effet passibles, sous ces lois, de poursuites judiciaires au cas où elles s'engageraient dans des...' publicités mensongères' et 'tromperie sur la qualité de la marchandise et des services', voire 'escroquerie, promesses abusives, etc.]. Ils existent et se déroulent quotidiennement sous nos yeux.
 


 

Qui finance la "recherche" sur les "nouveaux mouvements religieux"?

 

La recherche scientifique est toujours partiale, car humaine, par conséquent limitée pour l'anecdote, je ferai observer que certaines sectes diraient justement le contraire, prétendant envers et contre toute évidence, que nos capacités sont illimitées et absolues, ce qui leur sert de déclencheur pour embrigader des gens, ndt]; nul ne peut cependant imaginer à quel point elle peut être partiale, quand, comme c'est le cas ici, elle est affectée par des préjugés ou lorsqu'existent des soupçons quant à son intégrité et à son objectivité mêmes.

Voici ce qu'en dit M. B. Zablocki: "En ce qui est du financement, un des obstacles principaux pour parvenir à progresser réside dans le secret dont s'entoure la recherche sur les NMRs. La sociologie des religions ne peut plus éviter la question éthique déplaisante que voici: qu'en est-il des grosses sommes pompées dans les finances mêmes des groupes NMRs qui sont étudiés, et, dans de moindre proportions, de celles financées par les opposants?Qu'il s'agisse d'une forme de subvention pour frais de recherche, de subvention pour publications, d'occasions d'être sponsorisé et de participer à des conférences, voire d'honoraires pour services rendus, les finances ici ne sont pas rien et leur influence sur les résultats des recherches  et la position des universitaires est très peu connue.(...) Je sais qu'il y aura beaucoup de résistance à faire ouvrir la boite de Pandore, mais je ne crois pas que nous ayions le choix. Ce sujet va certes aboutir à un véritable scandale public. (...) Je ne dis pas qu'il soit nécessairement  injuste d'accepter d'être payé par les parties en présence, qu'elles soient pour ou contre, mais je crois qu'il faut savoir d'où vient l'argent et connaître les sécurités en place pour s'assurer que ces finances n'intérfèreront pas avec l'objectivité scientifique".[18]

Pour donner un exemple ici, Zablocki donne quelques détails sur les fonds qu'ils perçoit pour sa recherche: [19]

Certains pourraient imaginer que ces insinuations sont sans fondement et n'ont pour objectif que la diffamation de certains universitaires.

 B.Zablocki fonde pourtant ses allégations sur un courrier électronique reçu dès le 20 Décembre 1989, lequel avait été expédié à nombre d'autres personnes. "On m'avait présumé par erreur en accord avec les idées exprimées. Bien que le message ait largement été distribué et qu'il soit très connu dans notre domaine d'action, je ne vois pas de raison d'embarrasser son auteur en le citant nommément".[20]

Ce message parle d'un rassemblement de quelques sociologues des religions en 1989, peu après l'incident (voir plus bas) ayant abouti à l'échec à faire endosser à l'ASA (association sociologique américaine) une déclaration en Cour Suprème des Etats-Unis, déclaration qui aurait eu comme effet de nier la validité scientifique de l'hypothèse du 'lavage de cerveau' [nota: l'accentuation de ce paragraphe n'est pas dans l'original, ndt] [21]

B.Beit Hallahmi  mentionne au cours du même message "J'ai devant moi une pièce démontrant une collusion significative entre des chercheurs et les NMRs. Il s'agit d'un mémorandum confidentiel daté du 20 Décembre 1989 , dont l'auteur est chercheur en NMRs, indiquant qu'il écrit de la part de deux autres chercheurs notoires, tous sociologues. Les copies de ce document ont voyagé parmi les groupes anti-NMRs, et il n'existe aucun doute quant à son authenticité. Il est intéressant de signaler que ce document  a voyagé parmi une longue liste de sociologues grâce au courrier électronique, et qu'il ait été cité auparavant.  Il est très génant de prendre en référence un document confidentiel écrit par un collègue, mais pas moins embarrassant que l'expérience de témoigner que de chers collègues agissent en collaborateurs et compères de diverses organisations de façade. Ce document parle d'une série de réunions et activités impliquant plusieurs universitaires des NMRs, avocats des NMRs, Chefs des NMRs, ainsi que quelques autres universitaires.  (...) Le plus frappant de l'histoire est l'orientation nette que les chefs chercheurs du réseau de chercheurs en NMRs donnent : les NMRs y paraissent des alliés et non point des sujets de recherche. Il semble que ces savants sétaient plus avides encore que les leaders des NMRs de lutter pour une légitimité de ceux-ci. [même observation, ndt][22]

 Beit-Hallahmi cite alors quelques lignes de l'e-mail: "Nos réunions avec les membres de l'Eglise de l'Unification [Moonistes] nous ont confirmé les impressions antérieures que... leur réaction était largement confinée à des réponses convenables lors de crises. Je les ai pressés de répondre s'il serait possible pour l'UC (Moon), en collaboration avec plusieurs autres NMRs, de rassembler une somme suffisamment élevée - sans que des liens soient établis - à l'intention d'un groupe indépendant , qui, à son tour, entretiendrait des propositions et des fonds de recherches sur les NMRs. Les NMRs étaient moins qu'enthousiastes , dit l'auteur, et ils ne voulaient pas dépasser , pour l'instant , un "Fonds coopératif destiné à l' American Conference on Religious Freedom  [Conférence Américaine pour la Liberté de religion] (Confidentiel, 1989, page 4) . En supplément à cette idée de créer un 'fonds de recherche via les NMRs, nous avons passé beaucoup de temps à étudier si ce serait le bon moment pour importer ... "INFORM" ou pour créer une organisation US capable d'accomplir une fonction similaire... "INFORM" a entrepris des actions significatives pour neutraliser les mouvements anti-sectaires au Royaume-uni. (Confidentiel, 1989, page 5) [23]

 Beit Hallahmi rappelle ensuite aux lecteurs la fondation de "AWARE" en 1992, AWARE  signifiant "association académique pour la liberté religieuse"; laquelle inclut dans ses buts premiers la promotion de la défense de liberté de religion.  Après quelques commentaires, l'auteur dit :" A la lumière de ce que j'ai déjà témoigné avoir constaté, je crois que nous sommes contraints de reconsidérer avec suspicion tout le domaine des littératures traîtant des NMRs. [24]

A propos de l'e-mail cité à la fois par Zablocki et Bait Hallahmi, le Dr Eileen Barker nous dit qu'il est incomplet. Elle dit que certaines notes très importantes ont été omises. Cette omission aurait conduit à une mauvaise compréhension générale  du message. Puisque nous avions entendu dire que ce message n'était pas complet, nous avons demandé par e-mail au Dr Barker de nous envoyer une photocopie du document original, incluant toutes les notes, qu'elle nous a dit posséder. Il devenait alors possible de décider si l'e-mail était vraiment différent du texte complet, et si les notes omises étaient importantes pour comprendre entièrement ce texte.

Nous attendons actuellement avec confiance que le Dr Barker nous expédie le document et serons heureux de corriger et compléter ce qui a été dit dans cet article à propos de cet e-mail, si nous le jugeons nécessaire.

Si, comme nous le pensons, l'e-mail reçu par le Dr Zablocki reflète fondamentalement ce que les universitaires ont décidé de faire en 89, nous ne pourrons que continuer à être en accord avec ceux qui disent que la plupart des recherches faites sur les NMRs depuis furent largement colorées par la "collusion" entre chercheurs et NMRs, ces derniers versant de vastes sommes qui ne peuvent certes pas avoir été sans influence sur la façon de mener les études en question et leurs résultats.



 Conclusion


Nous aimerions finir par les mots de nos Pasteurs qui, avec leur sensibilité spirituelle, s'intéressent au challenge que posent les sectes - une lutte typique de notre époque - ces pasteurs ayant approuvé le 30 mai 1993 une note Pastorale du Secrétariat du Dialogue Oecuménique lors de la conférence des Evèques Italiens. Les évèques, après avoir écouté certaines des raisons poussant les gens à pénétrer dans les sectes, ont déclaré ce qui suit: "D'autres motivations sont cherchées dans ce contexte psychologique. L'appartenance à une secte n'est pas un refuge facile pour des gens troublés sur le plan psychologique, ayant besoin d'un genre de sécurité n'exigeant pas pour prix  une recherche personnelle. Les membres des sectes sont parfois liés par des formes de coercition psychologique et émotionnelle de contrôle vigilant, au point de souffrir parfois d'une limitation de leur liberté individuelle. Nous avons affaire ici à une genre de réussite qui a été imposé et reste protégé." [25] .

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Cette note pastorale met également l'accent sur ce que nous croyons être une réalité indestructible, à savoir, que l'attitude correcte vis à vis du phénomène des sectes doit être basée sur un dialogue "où l'on ne tombe pas dans l'irénisme [attitude spécifique de tolérance religieuse exagérée] ni dans le sectarisme". La note continue en donnant son avis pastoral riche en opportunités de dialogue, charité et respect des individus.

Nous embrassons tout à fait ces instructions pastorales en espérant qu'elles seront partagées par tous les catholiques désintéressés et de bonne foi .

ALBERTO AMITRANI e RAFFAELLA DI MARZIO
Copyright © 1998 -Reproduction interdite de cet article en partie ou en totalité, sans le consentement expresse des auteurs.



 
NOTES :
[1] Benjamin Zablocki, "The Blacklisting of a Concept. The Strange History of the Brainwashing Conjecture in the Sociology of Religion", Nova Religio: The Journal of Alternative and Emergent Religions, vol. 1, n. 1 (ottobre 1997), pp. 96-121 (p. 98). .Cet article a été publié en Octobre 1997; le second, qui lui fait suite, date d'avril 1998, toujours dans Nova religio. Une réponse du Dr Bromley et la réponse de Zablocki à Bromley ont également été  publiées.
[2] Ibid., p. 113.
[3] Ibid., Nota 17 - p. 117.
[4] Ibid., p. 97-98.
[5] Ibid., p. 99.
[6] Ibid., p. 101.
[7] Benjamin Beit Hallahmi, "Dear collegaues: integrity and suspicion in NRM research", 1.document présenté au congrés annuel de la société pour l'étude scientifique de la religion, page 1
[8] cfr. Ibid.
[9] Michael D. Langone, "Le sette in Giappone. Una prospettiva americana", Movimenti Religiosi Alternativi, n. 23, p. 28-32, (p. 32).
[10] M. Introvigne, "Movimenti anti-sette e ricerca scientifica", in Giovanni Cantoni e M. Introvigne, Libertà religiosa, "sette" e "diritto di persecuzione", Cristianità, Piacenza 1996, p. 142.
[11] Benjamin Zablocki, Ibid., p103.
[12] Ibid., p. 103.
[13] M. Introvigne, "Il ritorno dei giacobini: il rapporto della commissione parlamentare belga d'inchiesta sulle sette", 2. Il metodo, CESNUR, 1997.
[14] Julien Ries, "Sette e nuovi movimenti religiosi davanti alla Commissione Parlamentare Belga" , "Religioni e Sette nel mondo" , Rivista trimestrale di cultura religiosa, Anno 3, n. 2 (giugno 1997), pp. 175-193 (p. 183)
[15] Ibid., p. 185-186.
[16] Cfr. Ibid., p. 187.
[17] cfr. Benjamin Zablocki, Ibid.
[18] Ibid., p. 116.
[19] Ibid., p. 121. - nota 70.
[20] Ibid., p. 118. - nota 29.
[21] Ibid., p. 107.Ceci est connu sous le nom de "Lettre Amicus" (déclaration de quelques universitaires disant qu'il n'y a pas de raison de croire que la contrainte physique puisse être remplacée par une autre lors du processus de 'lavage de cerveau'), tout d'abord simplement  signée puis retirée par l'ASA. La raison de ce comportement est vraiment simple: un officier dirigeant l'ASA avait simplement signé "la lettre", prenant donc arbitrairement les fonctions de l'ASA tout entière, et l'avait délivrée à la Cour Suprème (comme si l'ASA l'avait officiellement approuvée), avant d'en discuter avec le Conseil. Il admit ensuite avoir fait une erreur de bonne foi, croyant que la discussion avait réellement eu lieu. Il n'existe pourtant aucun trace de discussion dans le document. La nature pressée et secrète de ces opérations montre bien l'atmosphère de la fin des années 80.
[22] Benjamin Beit Hallahmi, Ibid., p. 4.
[23] Ibid., p. 4.
[24] Ibid., p. 5.
[25] Segretariato per l'ecumenismo e il dialogo della CEI, "L'impegno pastorale della Chiesa di fronte ai nuovi movimenti religiosi e alle sette", Nota Pastorale del 30 Maggio 1993, Edizioni Paoline, Milano, 1993, page 16.