(anglais): http://www.tompaine.com/feature2.cfm/ID/7884
Bill Berkowitz est un observateur
expérimenté du monde politique
Après deux ans de marchandages, le Sénat US a finalement
passé en avril le projet de loi 'Charity Aid, Recovery and Empowerment
(CARE)' (des aides financières
de l'état aux organisations charitables organisées par
des religions, ndt). Fort heureusement, le projet a été
débarrassé de son pire élément, "le
choix d'exemption caritatif", qui n'a pas passé les fourches
caudines de la Chambre. Mais même si ce morceau central des désirs
domestiques n'est plus là, cela ne met pas fin pour autant à
l'obsession du président Bush envers les associations religieuses
caritatives. Le coeur du projet est encore là et les programmes
qu'il engendre sont bien en route.
Le plan de Bush pour donner des finances d'état aux associations
religieuses aura passé deux ans au stade des législateurs.
Grâce à un compromis soigneusement mis au point par les
sénateurs Rick Santorum (R-Pa.) et Joe Lieberman (D-Conn.), le
projet accorde de nouvelles exemptions à des associations charitables
religieuses ou non. Il accorde 1,4 milliard de dollars de subsides à
divers programmes sociaux pour les années fiscales 2003 et 2004
plus 150 millions de $ en aides techniques destinées à
assister les petites organisations à établir leur dossier
d'obtention de ces finances.
Malgré tout les actions de lobbying intenses, il aura fallu deux
ans à Bush pour faire passer son plan "basé sur la
foi"- après son passage au Sénat, il ne reste pas
grand-chose de la foi:
le projet s'est focalisé sur les crédits d'impôts.
Le projet omet l'initiative controversée du "Choix Caritatif",
qui autorisait les organisations religieuses à infuser des croyances
dans les programmes visés, ce qui revenait à jeter l'anathème
envers des groupes tels que les associations de Gays et Lesbiennes.
Bush admet que le projet n'atteint pas le but qu'avait fixé le
gouvernement : donner plus de finances aux programmes basés sur
la foi, mais il a félicité le Sénat: "Cette
législation contient des éléments essentiels de
l'initiative que j'avais proposée voici deux ans, afin d'encourager
davantage de dons aux associationsn caritatives et aux rallyes de compassion
qu'on rencontre dans toutes les communautés américaines."
Les associés de Bush ne sont pas aussi heureux. Ken Connor, du
conservateur Conseil de Recherche de la famille, a dit que le projet
du président était un fiasco. "Le plan de M. Bush
de permettre aux groupes charitables religieux d'obtenir des finances
de la même façon que les autres se résume à
presque rien," se plaint-il. Il ne reste même plus "foi"
dans cette initiative de "foi", puisque les protections anti-discriminatoires
qui permettaient aux groupes religieux de conserver leur caractère
ont été ôtées du plan, sur demande insistante
des démocrates."
Malgré la déception qu'on observe dans la droite religieuse,
le travail continue sur le sujet. Sept agences gouvernementales, dans
les ministères de la Justice, de l'agriculture, de l'éducation,
du travail, de la santé et des services sociaux, du logement
- développement urbain et de l'agence pour le développement
international, ont établi des centres pour les initiatives basées
sur la foi. Leur objet consiste à "promouvoir la mise en
place de l'administration des initiatives basées sur la foi et
des projets des communautés en modifiant la manière d'opérer
du gouvernement", d'après le site web de la Maison-Blanche.
Les efforts de l'administration actuelle vont plus loin. La Loi sur
les Droits Civils de 1964 contient une exemption accordant aux églises,
mosquées et synagogues le droit de n'engager que des membres
de leur croyance. Le Président Bush a publié en décembre
2002 un ordre étendant cette exemption aux inititiatives basées
sur la foi, mais recevant des fonds d'état afin de fournir un
large évantail de services sociaux. Le président a ainsi
ouvert une dangereuse brèche dans le mur séparant église
et état, en facilitant l'obtention de fonds fédéraux
à des organes religieux," selon un Editorial du New York
Times.
La stratégie de Bush paraît être d'éviter
le Parlement. Un récent éditorial du Washington Post a
dit ceci: "Le président
semble désormais s'être retiré vers quelque chose
du genre "réinventer une stratégie de gouvernement", en se servant d'ordre exécutifs
et de changement des règles. Voilà qui présente
pour lui l'intérêt d'échapper à l'hostilité
bureaucratique envers les groupes basés sur la foi. Mais, pour
la nation, ça a l'inconvénient d'éviter le débat
de fond sur les principes constitutionnels majeurs que ça implique.
Les efforts sponsorisés par le gouvernement en faveur des groupes
caritatifs basés sur la foi furent dès le début
l'une des pierres angulaires de l'administraion Bush. Moins de dix jours
après son inauguration, Bush, entouré d'une dizaine de
représentants de religions, publiait un ordre exécutif
créant l'OFCBI (Bureau de la Maison Blanche enfaveur des efforts
basés sur la foi). L'initiative visait deux buts: ôter
les barrières interdisant aux groupes religieux de recevoir des
fonds du gouvernement, ce qui leur permettait dès lors de fournir
de nouveaux services sociaux; et offrir des avantages d'impôts
afin d'encourager les dons caritatifs.
Les conservateurs comme les libéraux furent prompts à
exposer leur opposition.
Les conservateurs craignaient que l'église de scientologie, la
Nation d'Islam et la Société internationale pour la Conscience
de Krishna ou d'autres de ce genre ne puissent recevoir des fonds fédéraux.
Richard Land, président de la Convention Ethique des Baptistes
du Sud et de la Commission pour la liberté religieuse a dit qu'il
ne toucherait pas à un sou de ces sommes, même avec des
gants et le nez bouché.
Les organisations luttant pour les libertés civiles et les groupes
de droits des Gays s'inquiétaient du fait que l'initiative ne
perturbe la séparation entre église et état, et
le potentiel de discrimination possible envers les homosexuels chez
les organisations fondamentalement opposées à leur emploi.
Lewis C. Daly, de l'Institut des Etudes démocratiques, dit que
l'effort était "une ambitieuse proposition pour opérer
le transfert d'un large évantail de services sociaux gouvernementaux
directement entre les pattes des églises américaines".
L'initiative eut droit à des retorurs de flamme. On eut ainsi
une crise majeure en apprenant du Washington Post que des cadres dirigeants
de l'administration avaient tenté de solliciter l'aide de l'Armée
du Salut en promettant que toute législation proposée
par la Maison Blanche autoriserait les groupes religieux à négliger
les mesures anti-discriminatoires locales en faveur de pratiques d'embauche
basées sur l'orientation sexuelle.
Lors d'une réunion de mars 2003 sur les initiatives, un ex-officiel
du cabinet de la Maison Blanche pour les initiatives basées sur
la foi expliquait que Bush "était engagé dans une
renégociation des frontières église-état;
qu'il s'agissait d'un élément majeur de la renégociation
entre le gouvernement et la société civile, et que ce
type de renégociations avait aussi lieu dans nombre de pays étrangers."
Nombreux sont ceux qui estiment qu'il ne faille pas renégocier
ces frontières. Ils ajoutent qu'il n'y a pas de preuves que ces
programmes basés sur la foi soient meilleurs que les programmes
laïques. Les supporters de l'initiative disent avoir des tonnes
de preuves anecdotiques. Mais, comme le disent les détracteurs,
le coût énorme, ajouté au fait que d'autres services
verraient leurs dotations financières diminuées pour financer
ce programme, font des preuves anecdotiques une méthode absurde
pour mesurer si les programmes sont efficaces ou non.
Dans l'une des études les plus extensives effectuées sur
le sujet, le Fond texan d'éducation pour la liberté des
impôts (Texas Freedom Network Education Fund, TENEF) a signalé
qu'il était impossible de mesurer les résultats positifs
des initiatives. Ils disent: "Le système'n'a pas de règles, il
ouvre la porte au favoritisme et au mélange des finances, et
il est même dangereux pour les gens à qui il est censé
servir". Un autre rappport du TENEF
a même qualifié l'initiative
de "entreprise trompeuse,
que ce soit pour les églises, les contribuables ou les personnes
dans le besoin".
La bataille de séparation de l'église et de l'état,
le "choix caritatif" et le financement d'organisations religieuses
par le gouvernement ne s'achèvent pas par cette signature du
décret de la loi CARE. L'administration acceptera la version
édulcorée du CARE , car elle sait que c'est tout ce qu'elle
peut obtenir pour l'instant.
Prochain champ de bataille? Santorum
a promis de revoir la question lorsqu'un renouvellement des lois sociales
reviendrait devant le législateur plus tard cette année. |